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Songs, mise en scène de Samuel Achache, au Théâtre des Bouffes du Nord

Jan 15, 2019 | Commentaires fermés sur Songs, mise en scène de Samuel Achache, au Théâtre des Bouffes du Nord

© Jean-Louis Fernandez

 

ƒƒ article de Denis Sanglard

Sauce anglaise. Une mariée mélancolique, une sœur tonique, une mère neurasthénique… Songs de Samuel Achache est un spectacle qui broie du noir dans un décor de cire blanche. Au jour de son mariage, la mariée panique. Enfermée dans les toilettes elle décide de descendre en elle-même pour comprendre cette morosité qui la tue et la répétition des échecs qui ponctuent son existence. Le cœur étant le siège des sentiments c’est donc là qu’elle déboule, des cailloux plein son sac, sans être attendue. En la place est installé un orchestre au grand complet, virginal inclus, la sœur fantasmée, du moins celle qu’on aurait souhaité avoir au lieu de l’autre, la vraie, plantée devant la porte et qui toque affolée devant la situation. Et la mère tant haïe, muette. Ce qui ne s’avère pas car elle chante en anglais et merveilleusement. Le tout recouvert d’une épaisse couche de cire, rappel platonicien de nos âmes en tablettes de cire sur lesquelles se gravent nos souvenirs… et qui nous empoissent. Voilà résumé au mieux cette nouvelle création de Samuel Achache passé maître dans les univers les plus étranges, les situations les plus incongrues, et le tout musicalement accompagné de façon idoine. La mélancolie ici est son sujet. Notre personnage, Sylvia, en pleine introspection, limite border-line, d’une tristesse insondable et soigneusement entretenue, d’une mélancolie qui nous, nous fait bien rire, parce que rien de bien triste à vrai dire dans le ratage de cette vie abonnée aux échecs en tout genre. Résumé par une réplique lapidaire « (…) A la recherche de la mélancolie, ça nous a bien fait rigoler. » Pour appuyer son propos et lui donner un peu de sérieux, quand même, Samuel Achache ponctue cette création des songs anglais du XVIIeme siècle, contrepoint musical sensible des sentiments qui traversent notre personnage en proie au doute existentiel. Ça parle de mélancolie, bien sûr, d’amours impossibles évidemment, de pastorales puisqu’on rêve de chevaliers épousant une bergère, ce qui n’arrive jamais dans la vraie vie. Des songs anglais comme contre-thérapie, il fallait y penser. Parce que voilà qui semble conforter plus que consoler Sylvia devant les souvenirs, bons et mauvais, surtout les mauvais, entendre son propre malheur en échos. Soigner le mal par le mal donc. Le tout tient de l’opéra de chambre, du récital, du concert, du théâtre, de la comédie… C’est encore une fois une étrange hybridation des genres. Rien de triste, rien de pesant,  malgré le sujet qui aurait pu entraîner à son tour le Théâtre des Bouffes du Nord dans une noire dépression. Il n’en est rien tant les deux comédiennes boustent leur jeux. C’est d’ailleurs ce frottement qui étonne et détonne entre cette énergie pétaradante des deux comédiennes et la langueur de la musique qui les accompagne. Malgré un sujet en symbiose Samuel Achache joue dans le traitement du contraste. Une oscillation qui donne un rythme singulier, syncopé, et rien jamais ne retombe, ne reste en suspens. Pas d’atonie dans cette anatomie de la mélancolie mais au contraire quelque chose de vivifiant. Vous reprendrez bien un petit coup de spleen ?

 

© Jean-Louis Fernandez

 

Songs, mise en scène  Samuel Achache

Musiques Matheuw Locke, Robert Johnson, John Jenkins, John Blow, Henry Purcell, Robert Ramsery, Giovanni Coperario

Direction musicale Sébastien Daucé

Scénographie Lise Navarro

Dramaturgie Sarah Le Picard

Collaboration à l’écriture Julien Villa

Costumes Pauline Kieffer

Lumières Cesar Godefroy

Assistant à la mise en scène Carla Bouis

Régie générale Vincent Ribes

Régie Plateau Marion Lefebvre

 

Avec :

Lucie Richardot, alto

Margot Alexandre, Sarah Le Picard, comédiennes

Sébastien Daucé, virginal et orgue

René Ramos-Premier, baryton basse

Lucile Perret, flûte

Angélique Mauillon, harpe

Mathilde Vialle, Louise Bouedo, Etienne Floutier, violes

Thibaut Roussel, théorbes et luth

Arnaud de Pasquale, clavecin

 

Du 5 au 20 janvier 2019

Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h

 

Théâtre des Bouffes du Nord

37bis boulevard de la Chapelle

75010 Paris

Réservations 01 46 07 34 50

www.bouffesdunord.com

 

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