© Marc Domage
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Somnole de Boris Charmatz est une proposition étonnante, originale comme ce danseur hors-norme, ce trublion de la danse contemporaine peut en proposer au risque de dérouter ou de l’échec. Là, dans un solo d’une belle densité, Boris Charmatz danse en sifflant. Une idée pas si incongrue que ça. La danse est question aussi de souffle. Siffler, c’est le matérialiser et montrer les impulsions qu’il donne, les mouvements et les gestes que cela engendre. Même mieux, ici, réactiver la mémoire du corps dans ces impulsions les plus secrètes aussi bien que dans ses interactions sociales. Airs et ritournelles sifflotés sont des paysages sonores qui inscrivent le corps dans un corpus, une généalogie, autant de marqueurs culturels et sociaux inconscients qui surgissent impromptus, mis en branle par ces quelques notes activant soudain une certaine façon de danser sinon d’être. Ce que danse Boris Charmatz c’est cette mémoire, cette façon bien à lui d’être au monde justement. Siffler décloisonne la danse. La danse est élargie, devient une affaire tant personnelle que collective, affranchie des règles qui la bornent. Le geste le plus trivial, le plus spontané, a valeur ici autant que le plus chorégraphié, le plus travaillé. Sifflé avec rage, les deux doigts dans la bouche, comme un cri de guerre, en balançant des pavés c’est aussi dans le mouvement du corps, dans son impulsion, de la danse. Rien de décousu dans le déroulé que présente ici Boris Charmatz, l’enchaînement des séquences, des ritournelles et rengaines, participe d’une réflexion flottante, intuitive, où la rupture provient soit de l’épuisement, soit de l’association, consciente ou non. Rien de linéaire donc mais une ligne toute de ruptures et de propositions aussi captivantes, fascinantes les unes que les autres par leurs cohérences, entre légèreté et gravité, pour qui connaît le parcours de Boris Charmatz. Et pour ce paysage tant sonore que physique. Boris Charmatz a rêvé sa danse dans un demi-sommeil et en a gardé cette structure au fil de l’eau. Autoportrait intime ou manifeste, ou les deux peut-être, c’est aussi et avant tout l’expression sifflée et dansée d’une grande liberté.
© Marc Domage
Somnole, chorégraphie et interprétation de Boris Charmatz
Assistantes chorégraphiques : Magalie Caillet-Gajan, Anne-Karine Lescop
Lumières : Yves Godin
Collaboration costume : Marion Regnier
Travail vocal : Dalila Khadir
Avec les conseils de Bertrand Causse et Médéric Collignon
Du 19 au 23 janvier 2022 à 19 h 30
MC93
Boulevard Lénine
93000 Bobigny
Réservation 01 41 60 72 72
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