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Simon Boccanegra, de Guiseppe Verdi, mise en scène par Calixto Bieito, Opéra Bastille, Paris

Mar 19, 2024 | Commentaires fermés sur Simon Boccanegra, de Guiseppe Verdi, mise en scène par Calixto Bieito, Opéra Bastille, Paris

 

 

© Vincent Pontet

ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

C’est fascinant de constater combien la représentation, de près de trois heures, d’un mélodrame verdien, à l’intrigue pourtant plus qu’obscure, a pu rendre à ce point enjoué un public de 2500 personnes. C’est l’exploit rempli par Simon Boccanegra de Giuseppe Verdi, mis en scène par Calixto Bieito, que chaque spectateur pouvait noter en sortant, après une belle ovation le soir de la première, se félicitant d’avoir eu la chance de vivre un moment exceptionnel. Et pourtant, lors de la nouvelle création du metteur en scène espagnol en 2018, qui en est aujourd’hui la reprise, les louanges étaient loin de cette unanimité, c’est le moins qu’on puisse dire. L’élément unique de scénographie, une sorte de carcasse stylisée de bateau XXL tournant sur elle-même tout au long des trois actes et prologue avait irrité certains critiques et spectateurs. Il faut dire que Simon Boccanegra créé le 12 mars 1857 à la Fenice de Venise, puis remanié par le compositeur avec un autre librettiste, 24 ans après, était entré au répertoire de l’Opéra national de Paris, en l’occurrence à Garnier, dans une mise en scène de Giorgio Strehler sous la direction musicale de Claudio Abado, avec Piero Cappuccilli en Simon. La barre était haute depuis. En 2024, la coque imposante et menaçante du navire du metteur en scène espagnol domine toujours, au sens propre ou figuré, l’espace du plateau de Bastille et l’esprit des spectateurs. Mais cette fois c’est l’enthousiasme qui domine.

Certes, ce décor de Suzanne Gschwender est si imposant qu’il donne l’impression de limiter de fait les déplacements des chanteurs ; ils semblent surtout avoir été un peu laissés à eux-mêmes, et se sont concentrés individuellement sur leurs prestations. Les vidéos de Sarah Derendiger, en fond de scène, usant de gros plans très esthétiques sur les chanteurs (et un corps de femme nu – celui du fantôme de la mère – parcouru par des rats durant l’entracte) ne suffisent pas à combler le manque d’interactions. Mais c’est sans doute plus une question de direction d’acteurs que de dommages collatéraux d’un élément de décor. A ce petit bémol près, Simon Boccanegra envoûte les oreilles et les cœurs. Et cela est évidemment largement dû au plateau vocal d’un niveau remarquable.

Ludovic Tézier tenait déjà le rôle-titre en 2018. Il est dans une maîtrise totale de son personnage à l’intériorité complexe. La soprano Nicole Car prend avec grâce, clarté et agilité le rôle de Maria, la fille de Simon et petite fille de Fiesco, chanté puissamment par la basse Mika Kares. Le ténor Charles Castronovo est extrêmement touchant dans le rôle de son amoureux ; Étienne Dupuis est magistral, tout en nuances, dans le rôle du traître Paolo. Alejandro Baliñas Vieites,
Paolo Bondi et Marianne Chandelier complètent avec brio le plateau. Enfin, le Chœur particulièrement valorisé dans Simon Boccanegra, offre de superbes tableaux, apparaissant telle une puissante armée populaire à laquelle rien ne peut résister.

Le niveau d’excellence est tellement confondant que beaucoup de spectateurs à l’entracte acceptaient même l’idée, pour jouir pleinement du côté musical (vigoureusement dirigé par Thomas Hengelbrock) et vocal, de ne plus chercher à comprendre l’intrigue de cette histoire de filiation et d’amour alambiquée et à rebondissements, tirée d’un personnage qui a vraiment existé au XIVème siècle et fut vraiment le premier doge de Gênes, au centre par ailleurs d’un conflit que l’on qualifierait aujourd’hui de géopolitique avec Venise. Verdi est coutumier des entremêlements entre messages politiques et histoires familiales tragiques. Plus encore peut-être que dans ses opéras plus connus (tel Nabucco), son histoire personnelle, à la fois de représentant du peuple et faite de drames intimes (perte de sa première femme, de sa fille, puis de son fils en bas âge) transpire dans Simon Boccanegra. C’est sans doute cela aussi qui touche au cœur.

 

© Vincent Pontet

 

 

Simon Boccanegra, de Giuseppe Verdi

Livret : Francesco Maria Piave, Arrigo Boito

D’après Antonio García Gutiérrez

Direction musicale : Thomas Hengelbrock

Mise en scène :
Calixto Bieito

Décors :
Susanne Gschwender

Costumes :
Ingo Krügler

Lumières :
Michael Bauer

Vidéo :
Sarah Derendinger

Chef des Chœurs :
Alessandro Di Stefano

Avec : Ludovic Tézier, Nicole Car,Mika Kares,Charles Castronovo,Étienne Dupuis,Alejandro Baliñas Vieites,Paolo Bondi,Marianne Chandelier

Et : l’Orchestre et le chœur de l’Opéra national de Paris

 

Jusqu’au 3 avril 2024

Durée : 3h (avec entracte)

 

Opéra national de Paris

Place de la Bastille

75012 Paris

 

Réservations : www.operadeparis.fr

 

 

 

 

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