À l'affiche, Critiques // Seuls, écrit et mis en scène par Wajdi Mouawad, à l’Espace Albert Camus (Bron)

Seuls, écrit et mis en scène par Wajdi Mouawad, à l’Espace Albert Camus (Bron)

Jan 26, 2019 | Commentaires fermés sur Seuls, écrit et mis en scène par Wajdi Mouawad, à l’Espace Albert Camus (Bron)

ƒƒƒ Article de Victoria Fourel

© DR

         Seuls. Seul comme un jeune homme émigré qui a un peu oublié sa langue maternelle. Seul comme un étudiant en thèse en panne d’inspiration. Seul comme un adulte qui a perdu la fantaisie de l’enfance. Wajdi Mouawad explore les frontières entre les âges de la vie, entre les générations, les pays. Entre vraie vie et vie fantasmée, aussi.

Harwan est aux prises avec une thèse, avec une famille qui l’oppresse et le rappel à d’autres terres qu’il n’a pas connues, avec une histoire d’amour qui se termine aussi. On est, du point de vue narratif, dans une histoire classique d’introspection à un moment charnière de l’existence. Mais dans l’écriture, cette partition prend un tout autre tour. Drôle, enlevé, poétique, l’auteur comédien s’agace, s’excite, philosophe. Le monologue est dynamique et moderne, et l’écueil du soliloque est brillamment évité.

Au plateau, tout commence avec de la sobriété, et une jolie gestion de l’image. Un peu de vidéo se mêle aux allers-retours de Harwan, interventions auxquelles on est libre d’adhérer ou non. Même chose pour la musique, qui se fait très présente à certains moments du spectacle, mais sait laisser également la place au silence. Wajdi Mouawad joue avec les couleurs et les ambiances, et notamment avec celle, froide, de la contrée d’adoption du personnage : le Canada. Le froid y est permanent, à la fois hostile et feutré.

Et en partant de ces premières scènes qui jouent entre décalage et réel, et de ces costumes sans artifice, on découvre au bout d’un moment que ce qui se joue est tout autre. Sans prévenir, le spectateur sera bousculé par un plateau submergé d’effets, par des couleurs et des projections variées et par des retournements de notre perception de l’histoire de Harwan. Un peu longue et excessive, cette seconde partie, beaucoup plus osée, est pour autant, une formidable preuve que sur le plateau il n’y a rien d’impossible, qu’un comédien seul peut tout à fait modeler une scène et un public à son idée, que le corps est le décor… Si cette fin peut apparaître comme une suite d’effets et d’idées pêle-mêle qui valent surtout pour leur forme, on est impressionné par la profusion de tout.

Et surtout, on est impressionné par ce que cela dit. Le personnage de Harwan sent que les excès de l’enfance lui manquent. Que sa fantaisie lui manque. Que l’ordinaire lui pèse. Et il craint soudain à 35 ans que la vraie vie ne consiste qu’à s’accommoder de la normalité. Et sa thèse, justement, traite du cadre. En butant sur ses propres limites, il va apprendre que le vrai bonheur, c’est créer dans ce cadre, trouver la folie, la couleur, la liberté, à l’intérieur de ce qui lui est donné. Ce que cela dit, c’est un message sacrément important : l’enfance, c’est aussi pour les grands. Être heureux, ce n’est pas s’accommoder de l’ordinaire, c’est inventer des choses épatantes dans ce cadre blanc qui nous est donné.

Seuls
Texte et Mise en scène Wajdi Mouawad
Assistante à la mise en scène Irène Afker
Scénographie Emmanuel Clolus
Lumières Eric Champoux
Costumes Isabelle Larivière
Avec Wajdi Mouawad

Jeudi 24 et vendredi 25 janvier à 20h30.

Espace Albert Camus
1 rue Maryse Bastié 69500 BRON
Réservation 04 72 14 63 40
http://www.pole-en-scenes.com

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