© Marie Charbonnier
ƒƒ article de Hoël
Solal Bouloudnine a six ans, onze mois et vingt jours quand Michel Berger meurt d’une crise cardiaque. Solal Bouloudnine a six ans, onze mois et vingt jours quand il comprend que tout a une fin : les personnes comme les moments, les bonheurs, les spectacles, et même la crise sanitaire actuelle aura, un jour, une fin, s’amuse-t-il à nous rappeler…
Pour le moment, nous avons une heure et vingt minutes à passer avec lui et c’est lui, cet angoissé de la mort et de la finitude, qui est le maître à bord. Nous ne sommes que les passagers attentifs de ce spectacle. Qu’à cela ne tienne, puisqu’on ne peut pas lutter avec la fin, il commencera donc par la fin du spectacle ; afin d’en avoir terminé avec elle, ne plus y penser et pouvoir profiter à fond du début et du milieu.
Voilà comment, avec cette forme originale et décalée, Solal Bouloudnine donne le ton de Seras-tu là ? : ce sera drôle, absurde parfois, surprenant, mais toujours, toujours, soutendu par le sujet poignant de la mort, la maladie, l’incertitude et la lucidité.
Ce solo a été construit à partir d’improvisation selon le procédé emprunté à Philippe Caubert : à partir de souvenirs et de personnes marquantes. En parlant de lui, de son histoire, de ses parents, de ses rêves et de ses angoisses, le comédien précise que sa « hantise serait de faire un spectacle mégalo, autocentré. » Il espère qu’en livrant des morceaux de son histoire intime il parviendra, à la manière d’un chanteur de variété, à parler simplement à tous. Et ça fonctionne, car quel sujet plus universel que « la fin » ?
Solal Bouloudnine nous invite donc dans sa chambre ; celle d’un enfant des années 1990 : stickers, magnétophone, aquarium et peluches jonchant le sol. Le comédien à l’énergie débordante et fort d’autodérision alterne alors toutes sortes de personnages, fictionnels ou tirés de sa propre histoire. Tout comme un enfant s’amuserait à imiter les adultes qu’il croise pour essayer de saisir un peu mieux le monde dans lequel il évolue et ce qui l’a construit. Et le spectateur se plaît à s’identifer à certains d’entre eux, ou à retrouver des figures connues. Seras-tu là ? nous offre un moment intime et touchant, plein d’humour et de tendresse.
Ainsi, par le rire et l’identification, Solal Bouloudnine parvient à évoquer des sujets épineux comme la construction de soi grâce à des idoles puis l’émancipation, les atavismes, le cancer, la cruauté du monde, pour peut-être finalement parvenir à apprivoiser… la Fin.
© Marie Charbonnier
Seras-tu là ? de Solal Bouloudnine, Maxime Mikolajczak et Olivier Veillon
Mise en scène Maxime Mikolajczak et Olivier Veillon
Avec Solal Bouloudnine
Costumes Elisabeth Cerqueira
Régie générale, création lumière et son François Duguest
Création publique en juillet 2021 aux Plateaux Sauvages – Paris, dans le cadre du festival Paris l’Été.
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