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« Samedi détente », de Dorothée Munyaneza, au Monfort

Jan 20, 2015 | Commentaires fermés sur « Samedi détente », de Dorothée Munyaneza, au Monfort

article de Florent Mirandole

34-img_2482-_© DR

Les couteaux s’aiguisent alors qu’une voix puissante et chaude monte de derrière les gradins et se rapproche de la scène. Le chant finit par envahir l’espace alors que la chorégraphe de la pièce, Dorothée Munyaneza, pénètre sur la scène. Mais le bruit des couteaux qui s’aiguisent, tenus près d’un micro par Alain Mahé sur un côté de la scène, se fait de plus en plus fort, et annonce au milieu de la mélodie envoûtante l’« indicible » à venir, la tragédie rwandaise.

C’est le projet porté par Dorothée Munyaneza à travers sa pièce Samedi détente, « raconter l’indicible ». Du moins essayer, alors que la chorégraphe a vécu de si près le génocide. Petite fille pendant le printemps 1994, elle est envoyée pendant plusieurs semaines par ses parents hors de Kigali, la capitale rwandaise, afin de fuir les massacres. Loin de ceux qu’elle aime, la petite fille va alors croiser le chemin de militaires français soupçonneux, de soldats hutus haineux, et longer des routes parsemées d’innombrables cadavres. Pendant 1h15, le récit de sa tragédie constitue la trame de la pièce Samedi Détente.

Un récit émouvant

Les chants de la chorégraphe tout d’abord, dont c’est le premier métier, communiquent une émotion réelle et profonde. De même la beauté de certaines inventions, comme les figures projetées en ombre chinoise sur un drap blanc, imprègnent la scène d’une lumière fantomatique et crépusculaire troublante. Si la chorégraphe a fait le choix d’une mise en scène minimaliste, elle est toutefois accompagnée dans son travail par la danseuse ivoirienne Nadia Beugré, qui, par ses quelques interventions, permet de faire respirer le récit. Les saynètes de la danseuse s’avèrent ainsi tantôt iconoclastes, tantôt énigmatiques, voire parfaitement effrayantes. C’est le cas notamment lorsque Dorothée Munyaneza enroule autour de sa partenaire une grande bâche blanche, donnant à voir un aperçu des corps qui jonchaient les routes rwandaises au printemps 1994.

S’il est difficile de faire la critique de ce type de spectacle, alors même que Dorothée est une rescapée d’un des pires massacres de l’humanité, il n’en reste pas moins que cette pièce manque d’une structure narrative forte. L’émotion ne remplace pas un récit qui, pour être tragique, n’en demeure pas moins monotone. Et les petites incises au milieu du récit échouent à relancer la pièce. La petite scène de danse ivoirienne de Nadia Beugré, pour réjouissante qu’elle soit, apparaît trop décalée du récit principal. De même l’intervention d’Alain Mahé au micro, rappelant notamment l’indifférence du président François Mitterrand lors du génocide, renforce l’impression que ce spectacle ne repose que sur l’intérêt documentaire du témoignage. Si l’intérêt est réel, la mise en scène est trop maigre, empêchant le spectateur de rester captivé jusqu’au bout par le récit pourtant poignant de Dorothée Munyaneza.

Samedi détente
Conception, texte, danse et voix Dorothée Munyaneza
Regard extérieur Mathurin Bolze
Création lumière Christian Dubet
Scénographie Vincent Gadras
Costumes Tifenn Morvan
Régie générale Marion Piry
Avec Nadia Beugré (danse), Alain Mahé (musique et improvisation), Dorothée Munyaneza

Du 15 au 31 janvier 2015
du lundi au samedi à 19h30 dans la Cabane
durée 1h15

Théâtre Le Monfort
106, rue Brancion – 75015 Paris
Métro Porte de Vanves
Réservations 01 56 08 33 88
www.lemonfort.fr

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