À l'affiche, Critiques // Sainte-Jeanne des Abattoirs de Brecht mise en scène par Marie Lamachère au Théâtre L’Echangeur

Sainte-Jeanne des Abattoirs de Brecht mise en scène par Marie Lamachère au Théâtre L’Echangeur

Avr 05, 2016 | Commentaires fermés sur Sainte-Jeanne des Abattoirs de Brecht mise en scène par Marie Lamachère au Théâtre L’Echangeur

ƒƒ Article d’Ulysse Di Gregorio

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@ Denise Oliver-Ferro

Sainte-Jeanne des Abattoirs fut écrite par Brecht en 1930 à la suite de la crise économique de 1929 et afin de pointer du doigt ce paradoxe du capitalisme qui profite toujours aux plus riches, même en temps de crise. D’un côté « Les Rois de la Viande, les Géants de la Conserve, les Magnats des abattoirs » qui, pour augmenter toujours plus leurs profits s’adonnent à toutes les bassesses, tentent de détrôner leurs concurrents et finissent ainsi par provoquer crise et faillite. De l’autre côté, les ouvriers des abattoirs, à la merci des grands patrons et les premiers à subir la crise. Chômage, pauvreté et violence, voilà le quotidien de ces hommes qui ne demandaient qu’à pouvoir gagner leur pain. Au milieu de ces deux catégories sociales bien opposées, apparaît Jeanne Dark. Elle fait partie des « Chapeaux noirs » – organisation équivalente à l’Armée du Salut – et distribue la soupe populaire aux ouvriers qu’elle tente de convaincre du bonheur que seul Dieu peut apporter. Voyant que ses discours ne suffiront pas et que la faim finit toujours par avoir le dernier mot, elle se rend chez les industriels pour les remettre dans le droit chemin en les incitant à rouvrir les abattoirs et mettre de côté leurs querelles. Elle est persuadée de pouvoir changer les consciences, obtient un poste dans les abattoirs et tisse un lien avec Pierpont Mauler. Elle finit cependant par dessiller les yeux et comprend qu’en préservant cet échange, elle se compromet et joue le jeu des puissants qui utilisent l’organisation des « Chapeaux noirs » à leur fin pour apaiser la populace. Se refusant d’être leur instrument, Jeanne quitte l’organisation, se retrouve sans emploi et devient porte parole du mouvement de grève générale des ouvriers. Là encore, la désillusion est de mise car les autorités mettent fin à la grève…

 

La mise en scène de Marie Lamachère est particulièrement soignée, et tout est mis en œuvre pour servir le texte de Brecht. La forme de ce théâtre épique est poussée jusqu’au bout tant par la stylisation du jeu de certains personnages que par l’utilisation de la vidéo. Les industriels ne sont pas interprétés de manière « réalistes », mais font plutôt figure de clowns grotesques et inquiétants. Leurs gestes sont prévus et saccadés, leurs rires forcés, et leurs visages deviennent des masques. Le mensonge est inscrit sur leur visage et leur corps dominés par l’artificialité. Les ouvriers quant à eux, sont poussés par la faim et tendent vers la bestialité. Lors de la révolte, certains deviennent presque des singes en s’accrochant aux barreaux des abattoirs, quand d’autres restent au sol prêts à bondir sur le premier venu. Au milieu d’eux, Jeanne avance avec simplicité et naïveté, suivant ce que lui dicte son cœur.

La scénographie, évoque les abattoirs déserts et crée des espaces de jeu dans toutes les dimensions, dans la hauteur aussi bien que dans la profondeur et permet également un rapport entre intérieur et extérieur. Tous les espaces sont prétextes au jeu et sont optimisés par la mise en scène. Les nombreuses toiles sur lesquelles sont projetées les vidéos permettent également de donner du relief à la scène et au texte, et composent les décors nécessaires aux acteurs. L’unique réserve que l’on peut émettre est la place trop importante donnée à la vidéo, notamment lorsque sont projetées des images annexes qui ne font pas partie de la scène que joue les acteurs, et qui nous détournent de ce que les personnages sont en train de dire.

En écrivant Sainte-Jeanne des Abattoirs, Brecht s’en prend à l’économie de marché qui – sous couvert de libertés formelles – impose au plus grand nombre ses lois et ses faillites. Marie Lamachère et ses nombreux acteurs nous restituent avec justesse l’atmosphère de la pièce, et invitent le spectateur à remettre en question ce monde dans lequel il vit et auquel il contribue dans ses actes quotidiens.

Sainte-Jeanne des Abattoirs
De Brecht
Traduction Pierre Deshusses
Mise en scène Marie Lamachère
avec Clément Bonne fond, Xavier Brossard, Salif cissé, Émilie Dreyer-Dufer, Baptiste Drouillac, Michaël Hallouin, Antoine Joly, Gilles Masson, Laurélie Riffault, Makita Samba, Gérald Robert-Tissot, Anaïs Vaillant, Damien Valero
scénographie Delphine Brouard
images vidéo Gilbert Guillaumond et Simon Leclère
avec la participation de Laya Bouaziz, Dominique Gal, Omar Khenfech, Ken Tambu-Milambu, Jocelyne Quarenghi
composition musicale Iris & Bruno (Iris Lancery et Bruno Capelle)
conseil et montage musical Renaud Golo
composition des chansons Clément Bonnefond, Émilie Dreyer-Dufer, Anaïs Vaillant et Damien Valero
création lumière Franck Besson
régie générale et régie plateau Thierry Varenne
collaboration dramaturgique Julien Machillot
documentalisteEmmanuelle Koenig
construction du décor Atelier MC2: Grenoble
costumes MC2: Grenoble, Frédérique Payot
Les 2, 3 et 4 avril

Théâtre de l’Echangeur
59, Avenue du Général de Gaulle
93170 Bagnolet

En MÉTRO : Gallieni [ligne 3] à 150 m en sortant à droite
En VOITURE : Porte de Bagnolet à 300 m direction : Bagnolet/Montreuil
En BUS : 76, 102, 318 arrêt : Général de Gaulle
Vélib : station rue du Château à 50 mètres
réservations : 01.43.62.71.20
www.lechangeur.org

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