Article d’Anna Grahm

© Pierre HECKLER

Sur la cuisinière, le plat mijote. Elle s’affaire, de la table au fourneau, soulève le couvercle de la grosse marmite, goûte, apprécie, et tandis qu’elle corrige, on salive. Elle s’affaire avec passion, met toute son énergie à la confection du repas, donne sa place à chacune des femmes qu’elle incarne, se fait tour à tour l’écho des trois religions monothéistes.

Le spectacle de Stéphanie Schwartzbrod est une invitation au voyage. Voyage dans le temps, invitation à cheminer tout le long d’une année, et de s’arrêter sur les différentes fêtes qui sont célébrées. Chaque tradition est transmise de génération en génération, est l’occasion d’un retour sur soi, est une interrogation sur sa façon de consommer et inscrit l’être dans un travail réflexif. Car nourriture et pensée sont intimement mêlées.

Sur le plateau les maitresses de maison qui se succèdent ont le feu sacré. La comédienne passe au tatami, ces ruptures avec le quotidien, revisite la forme et le fond. Interroge le public sur les symboles, convoque la racine des mots, fait appel à l’étymologie. Elle rend compte des sens cachés des différents plats qu’elle prépare, elle est le guide qui amène à revoir les jugements. Chaque jour a ses douceurs, ses rigueurs, ses histoires. Ses paroles pleines d’odeurs réveillent la vitalité de l’esprit.

L’observance de ces jours sacrés qu’on voit aujourd’hui avec méfiance est pour chacun un effort de perfectionnement. Ré-enchante la dimension intérieure, remet au centre la conduite éthique, le partage, les lois de l’hospitalité, la conscience de nos actes. Chacun prend la mesure de la relation qu’il instaure entre le monde matériel et le monde spirituel. Tout autour de la scène, les rideaux se dressent comme les colonnes d’un temple. Une femme agenouillée cherche l’unité dans un rayon de lumière.

Elle sale, poivre, écrase un citron, coupe un céleri, combine les lettres d’un verbe, révèle toutes les dimensions qu’il contient, tire de chaque geste une sagesse. Elle virevolte joyeusement, approfondi sérieusement le sens, tous les sens. Comme le parfum de la soupe qui se répand dans la salle, le goût d’apprendre qu’elle communique donne envie d’étudier davantage. Avant d’aller étancher notre soif de connaissance, nous nous régalons de cette délicieuse chorba qui nous titille depuis le début.

Sacré sucré salé
Texte Stéphanie Schwartzbrod
Avec des extraits de Gabbatha de Fabrice Hadjadj et Le repas de Valère Novarina
Mise en scène Stéphanie Schwartzbrod et Nicolas Struve
Collaboration artistique Michel-Olivier Michel

du 8 au 26 mars 2016
du mardi au samedi à 19 h

Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie – route du champ de manœuvre – 75012 Paris
Réservation 01 43 74 99 61
www.theatredelaquarium.com

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