© Thomas Amouroux
ƒƒƒ article de Nicolas Brizault
Un soir, il fait beau, la Tour Saint-Jacques, toute proche dans le square, déborde de lumière, de calme. Direction Théâtre du Châtelet, pour Room With A View, un spectacle de RONE et (LA)HORDE, Ballet national de Marseille. Tout avait débuté au même endroit, en 2020 et avait dû s’arrêter, comme tout à l’époque, vous vous en doutez, vous savez pourquoi. L’installation dans cette salle magique est déjà un rien surprenante, le rideau est ouvert et on s’assoit devant une carrière de marbre blanc, des lignes, du blanc rayé, du brun noir, de l’extrêmement propre et l’inverse. Le spectacle est déjà en demi-marche. C’est souvent le cas désormais. Tout en haut de cet amas de blocs clairs et sombres, une mini salle rectangulaire. RONE y joue de dos, déjà. Un danseur, une danseuse l’accompagnent, ne partent plus, sont presque partis en fait. A peine sur place on est déjà séduit, ou plus que ça, déjà emportés, tout simplement. Puis du stroboscope, encore et encore, lumière vivant et morte, violente, construite tout de même. Des soupirs, les nôtres. On imagine une foule de déjà vu, déjà entendu, avec ces flashs idiots et employés n’importe quand, pour n’importe quoi, histoire de dire « vous avez vu ? On sait faire ! » Sauf que cette lumière idiote ne l’est pas, elle séduit, construite si étonnamment qu’on garde les yeux ouverts, remués et déjà pris.
Puis il est 20 h, tout débute, pour de vrai. En 2020, le Châtelet avait demandé à RONE de créer un spectacle, ce qu’il voulait, comme il voulait. Damned ! Alors il a mêlé sa musique si prenante, qui entre en vous sans même frapper à la porte − on aurait pu imaginer mais non, subtilité que veux-tu ? − au(x) talent(s) de (LA)HORDE, Ballet national de Marseille. On souhaiterait juste laisser sortir un « Whaou ! » dans toutes les directions, dans tous les tons. Les doutes du tout début se sont enfuis, chassés par, disons-le, des surprises qui s’entassent, se superposent et tombent, partent et reviennent. Des surprises qui sont toujours là mais se réalisent, nous font entrer pour de vrai dans le travail de RONE et celui de (LA)HORDE.
Room With A View. Nous sommes dans une boîte, une boîte de nuit. Les vilaines lumières faciles se sont enfuient, première étrangeté. Des histoires dansées et entendues rebondissent. Nous sommes près de tout. Les corps se touchent, s’imposent, s’aiment ou non, sont ensembles ou seuls. Oui, c’est assez banal, il faut être sur place, aspergés de décalage, surpris en même temps… Allez savoir pourquoi ? Le vrai du vrai arrive, les corps jouent, oui. Une violence court vers l’extrême, devient positive ou reste ligotée dans un négatif absolu. La falaise marmoréenne − terme évident, non ? − est abandonnée peu à peu pour le vrai sol, les jeux s’y débattent à deux, trois, quatre, voire l’ensemble des danseurs et danseuses. Ils font l’amour, se battent, se séduisent, se tuent, vomissent du plus, étalent du moins. Les heures et les minutes font semblant, les corps subissent, exposent. Oui ces corps, cette musique s’annulent, s’échangent. Le monde est là, celui d’hier, avant-hier et maintenant l’imprévisible. On est pris, vraiment. Ici ou là, comme une petite répétition ? Et alors ? Regardons plutôt l’ensemble ! Ne sommes-nous pas emportés ? Aucune lassitude, au contraire. On est avec eux, RONE et (LA)HORDE, en face confortablement mais avec. Avec leurs corps, leurs visages, avec les apparitions, les disparitions. Nous sommes à la recherche, bouleversés, renversés par ces sentiments lourds, sombres, légers et transparents, tout à la fois. Nous sommes emportés, on sort de là « plein », comme si on « savait », comme si on se rendait compte de tout et de rien mais que nous en étions heureux, avec cette envie d’être attentif, d’être sur terre. Allez, disons-le, un travail pétri de sens, d’actualité, d’universalité. Une salle debout, « Room With A View merci ! » semblait-elle dire…
© Thomas Amouroux
Room With A View de RONE et (LA)HORDE
Musique : RONE
Concept artistique : RONE, (LA)HORDE
Mise en scène et chorégraphie : (LA)HORDE, Marine Brutti , Jonathan Debrouwer , Arthur Harel
Scénographie : Julien Peissel
Lumières : Eric Wurtz
Costumes : Salomé Poloudenny
Son façade : Vincent Philippart
Assistant production son : César Urbina
Assistante costumes : Nicole Murru
Hair direction : Charlie Lemindu
Préparation physique : Waskar Coello Chavez
Répétiteurs : Jacquelyn Elder, Thierry Hauswald, Valentina Pace
Ballet national de Marseille : Sarah Abicht , Daniel Alwell , Isaia Badaoui , Izzac Caroll , Joao Castro , Titouan Crozier , Malgorzata Czajowska , Myrto Georgiadi , Vito Giotta , Nathan Gombert , Eddie Hookham , Jonathan Jorgensen , Nonoka Kato , Yoshiko Kinoshita , Amy Lim , Angel Martinez Hernandez , Aya Sato , Dovydas Strimaitis , Paula Tato Horcajo , Elena Valls Garcia , Nahimana Vandenbussche
Créé au Théâtre du Châtelet en mars 2020
Grande salle
Durée 1 h 10
Du 14 au 25 septembre 2022
Théâtre du Châtelet
2 rue Edouard Colonne
75001 Paris
www.chatelet.com
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