À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Rodez-Mexico, texte et mise en scène de Julien Villa, Théâtre de la Tempête-Cartoucherie

Rodez-Mexico, texte et mise en scène de Julien Villa, Théâtre de la Tempête-Cartoucherie

Avr 04, 2023 | Commentaires fermés sur Rodez-Mexico, texte et mise en scène de Julien Villa, Théâtre de la Tempête-Cartoucherie

 

©   Olivier Desautel

 

ƒƒ Article de Sylvie Boursier

Viva Zapata ! viva Rodez ! et viva Villa !

Tous les jours Marco Jublovski, jardinier municipal, fume son pétard et sirote un café avant de gazonner négligemment les parterres ruthénois. Le soir il retrouve ses potes mais nom de dieu qu’c’est triste Rodez avec ou sans Soulages !  Un jour le pavillon familial est menacé d’expropriation. La mairie veut transformer la zone bucolique en un espace paysager urbain. L’employé communal remonté comme un coucou suisse refuse la décision. Ya basta ! Il ne laissera pas sa bicoque se transformer en défilé de caddies et promenade plantée du dimanche. À partir de là, le récit de Julien (et non Pancho) Villa se barre en sucette. Marco devient Marcos, prend pour modèle la lutte Zapatiste des Chiapas du Mexique et s’initie à la guérilla urbaine avec sa bande affublée de chasubles et armée de « fusil à cauchemar » (le sous commandant Marcos était contre la lutte violente). Le rond-point devient le quartier général de la petite troupe d’anarcho-folklo mariachis.

Le plateau de la tempête prend des allures de camp retranché avec algeco, échafaudages, billots de bois et planches amovibles. Il pleut beaucoup à Rodez et les bouteilles plastiques font office d’arrosoir à pompe. L’armée Zapatiste de Libération Nationale Mexicaine, ce sont des jouets d’enfants que l’on déplace comme des petits chevaux, la jungle amazonienne un bocal à poissons rouges. C’est ingénieux, poétique et ça fonctionne. On croit à ce spectacle adapté du roman initial parce qu’il a l’énergie des débuts et ne vise pas l’esthétisme. Il met l’imagination au pouvoir avec un texte ciselé qui, sous des dehors farcesques, posent des questions essentielles. « Est-ce que ta vie te plaît ? » questionne Marco de Rodez.  Quelle place pour les mythes, les contes, dans notre existence ? Qu’est ce qui nous empêche de retourner le gant de l’aliénation ici et maintenant ? Il n’y a pas de révolte transformatrice sans fiction, nous montre Rodez Mexico.  Marco de Rodez se convertit parce qu’un personnage, celui du vieil Antonin joué par Laurent Barbot, vient lui raconter des histoires en plaçant des figurines sur son corps durant son sommeil, comme une initiation chamanique. Les récits du sous commandant Marcos au Mexique adoptaient un verbe métaphorique accessible à tous qui mettaient en scène des insectes discutant entre eux des méfaits du mode de production capitaliste. Antonin commente l’action et donne au spectacle sa dimension surnaturelle.

Certains moments sont particulièrement jouissifs. Voir Marco-Marcos expliquer le plus simplement possible à des joyeux drilles la théorie de la valeur du grand Karl, ça vaut en soi le déplacement. Attention ! Julien Villa connaît son bréviaire politique sur le bout du doigt, toutes les références zapatistes et marxistes sont justes. L’interview du sous-commandant par le journaliste de Radio France Bleue est carrément hilarante, sur le parking du supermarché en pleine chaleur. Le bonhomme perd son latin et pète carrément les plombs. Julien Villa peut compter sur une équipe soudée d’une diction parfaite. Noémie Zurletti en punkette baroudeuse est désopilante, Renaud Truffaut en nouveau converti brûle les planches, Damien Mongin donne beaucoup de force au personnage de Marco illuminé au début et qui se dissout progressivement, comme un hologramme, pour renaître ailleurs.

C’est du cousu main, du fait maison foutraque par moment, inégal comme toute prise de risque, un peu long surtout en seconde partie mais drôle et inventif ! Et puis ces gens défendent une cause juste, luttent contre la transformation de leur territoire en zone péri-industrielle sinistre. La révolution vaut bien un pied de nez théâtral au système. Alors amigos, zadistes ou pas, ve alli !

 

 

© Olivier Desautel

 

Rodez Mexico écrit et mis en scène par Julien Villa, à partir d’une écriture de plateau.

Lumières : Gaétan Veber

Dramaturgie : Samuel Vittoz

Scénographie : Laurent Tixador

Musique : Tristan Ikor et Clémence Jeanguillaume

 

Durée : 1h50

Jusqu’au 23 avril 2023 du mardi au samedi à 20h30, 16h30 le dimanche

 

Théâtre de la Tempête-Cartoucherie

Route du Champ de Manœuvre

75012 Paris

 

Réservation :

T 01 43 28 36 36

www.la-tempete.fr

 

Rodez-Mexico, de Julien Villa, Éditions rue de l’échiquier, 2022

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed