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Rien ne saurait me manquer [j’ai découvert Pierre Rabhi sur mon IPhone 7], écrit par Agathe Charnet, mis en scène par Maya Ernest, Théâtre du Lavoir Moderne Parisien

Oct 04, 2019 | Commentaires fermés sur Rien ne saurait me manquer [j’ai découvert Pierre Rabhi sur mon IPhone 7], écrit par Agathe Charnet, mis en scène par Maya Ernest, Théâtre du Lavoir Moderne Parisien

ƒƒƒ article de Numina Ducrot

Rien ne saurait me manquer peint le tableau d’une génération perdue dans une ère difficile à cerner, impalpable et illusoire. Mais alors comment avancer lorsque tous les modèles s’avèrent biaisés ? La solution que propose cette troupe de comédiens est simple : tout arracher, briser, démanteler pour mieux repartir sur une toile blanche.

La scène, au début nue et silencieuse est, à l’image de ce qui nourrit cette descendance, un trompe-l’œil. Tout semble calme et rien ne présage cette tempête frénétique qui arrive. En effet, tout est haché, émietté, autant sur le rythme saccadé, la lumière convulsive ou la musique, afin de mieux nous laisser ingurgiter les bribes de cette histoire anxiogène qui concerne le monde entier : la fin d’une époque.

Les visages peints en blanc des comédiens s’apparentent alors à des toiles sur lesquelles les images s’entremêlent et se confrontent. Les artistes servent de réceptacles, leurs corps (qu’ils n’hésitent pas à transformer ou malmener) sont eux-mêmes les théâtres des questionnements qui bouleversent la progéniture Y.

Cette génération emplie d’un déterminisme sociétal s’est transformée en bombe à retardement. Déterminisme tragique qui se joue sur une question : ouvrir la boîte et briser le déni où jouer aux probabilités du chat Schrödinger et se laisser une chance chimérique de survivre à sa propre destruction.

Heureusement pour nous la compagnie Avant l’Aube arrive avec succès à retirer le pathos de cette situation. Sous une forme de cabaret déjanté et euphorique, toutes les questions, même les plus rudes, sont abordées avec légèreté (mais sérieux). Ainsi acteurs et public échangent un moment de réflexion paisible (mais énergique) sur la collapsologie (étude de l’effondrement de la civilisation industrielle). Les figures emblématiques sont ainsi tournées au ridicule (Jacques Chirac, Greta Thunberg, Thomas Pesquet…)

Tous ensemble nous assistons avec joie à une sorte de meeting, de débriefing de la vie de l’humanité et tous les moyens sont bons : powerpoint, radio, courses, vidéo, télé-réalité, etc., tout prend une allure de Truman show quand on s’observe soi-même de très près : on ressent alors beaucoup de compassion et d’empathie pour notre propre devenir. D’autant plus qu’à certains moments les acteurs laissent tomber les masques et s’adressent directement au public avec une voix profonde et sincère.

La création vidéo (Benjamin Kühn et Valentin Rivié) permet, elle, de voyager dans différentes temporalités tout en restant dans un lieu neutre. Elle représente aussi, avec un aspect épileptique, cette urgence, ces pulsions qui font se convulser les gens, pulsions amenées par le surplus d’informations, de mots, d’images qui caractérise notre environnement.

Une phrase que nous pouvons retenir de cette pièce : « On les a dans la rétine » nous montre ici que notre société crée notre emprunte vitale, visuelle, comportementale mais qu’il ne tient qu’à nous de regarder la réalité en face et de composer ensemble pour une nouvelle ère.