Article de Victoria Fourel

Difforme et marginal dans son propre clan, Richard III est l’un des personnages emblématiques de Shakespeare. Il est cruel, ambitieux, solitaire, il est l’image d’une soif de pouvoir universelle, pour laquelle l’amour, la fidélité, la confiance n’existent pas.

Shakespeare, et notamment ses drames politiques, peut donner la sensation d’être vu et revu, ennuyeux, et même difficile à comprendre, lorsqu’on ne le recrée pas vraiment. C’est exactement ce qui se passe dans cette mise en scène. Le texte est un peu chanté, les personnages entrent et sortent sans que leurs identités ne transparaissent vraiment. L’originalité manque, et la tenue aussi. Et au passage, la compréhension en pâtit.

En voulant mettre l’emphase sur les aspects tragiques du texte, on est face à des personnages aux caractéristiques appuyées, et aux particularités grossies. En sont les témoins, l’abondance de cris pour symboliser la rage des personnages, le goût pour les crachats, qui imagent sans détour le dégoût, les lumières tout en clair-obscur, destinées à jouer sur les machinations secrètes. Ce sont des clichés, pas forcément heureux, d’ailleurs, et qui nous empêchent de trouver cette adaptation actuelle, et originale.

L’adaptation de grands classiques passent souvent par une nouvelle mise en lumière du texte. La sobriété est un outil face au lyrisme d’un autre temps, aux enjeux d’une autre époque. Ici, c’est l’unité de mise en scène qui fait défaut. Les comédiens sont très inégaux, notamment au sein des seconds rôles, là où se sont les seconds rôles qui peuvent mettre en avant la nature de Richard III, apporter du mordant, de la personnalité. Mêmes déséquilibres dans l’univers visuel du spectacle : velours drapé d’époque et vestes de costumes modernes côtoient paillettes et tenues de ville d’aujourd’hui. Même chose dans la mise en scène, qui, si elle a la vertu d’être sobre en effet, et de donner un goût de mystère à l’ensemble est un montage d’idées un peu disparates.

Cette adaptation manque d’élan pour se détacher de tout ce qui se fait. Le rythme est plutôt inégal et les comédiens sont parfois peu dirigés. Ainsi, la plupart jouent cachés derrière des appuis de jeu, notamment leur souffle très sonore, leurs cris. Ils sont nombreux et se retrouvent ainsi souvent en observation, sans parvenir à créer en arrière-plan la tension que les observateurs doivent faire monter. Même Richard III, qui tient plutôt bien sa barque, est obligé de surjouer chaque endroit du rôle, la direction étant plutôt lourde, au lieu de jouer l’inquiétant par la sobriété.

Comme cela arrive souvent, les volontés fermes et les désirs d’hommage aux grands textes ne suffisent pas lorsque la tenue et la recherche ne surprennent pas. Richard III nous raconte des arbres généalogiques entiers, des discussions de couloirs, des retournements de veste, qui peuvent nous perdre, d’abord, mais surtout donner lieu à une mise en scène confuse et premier degré. Cette adaptation manque donc l’occasion de rendre l’intrigue actuelle, précise, et belle.

Richard III, Radioscopie du monstre

Texte William Shakespeare
Adaptation Jean-François Labourdette et Jean-Marie Ledo
Mise en scène Jean-Marie Ledo

Avec Alexandre Cattez, Stéphanie Gourdon, Karine Malleret, Natacha Dimic, Ronan Carretti, Didier Caruso, Romain Châteaugiron, Régis Debraz, Olivier Ducaillou, Jean-François Labourdette, Jean-Marie Ledo, Michelle Sevault.

Du 8 mars au 6 mai 2018, les jeudis à 20h45 et à 20h les dimanches

Théâtre du Guichet Montparnasse
15 rue du Maine
75014 Paris

Réservation 01 43 27 88 61
www.guichetmontparnasse.com

Be Sociable, Share!

•