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Richard III, de William Shakespeare, mise en scène de William Mesguich, au Théâtre des Gémeaux Parisiens

Déc 11, 2024 | Commentaires fermés sur Richard III, de William Shakespeare, mise en scène de William Mesguich, au Théâtre des Gémeaux Parisiens

 

© Christophe Crénel

 

ƒƒ article de Sylvie Boursier

« Richard, eh ! Richard ! Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles à certaines heures pâles de la nuit… », le Richard III de Williams Mesguich est un serial killer, pervers narcissique intégral. On imagine le gnome rejeté par sa mère – « moi que la nature décevante a frustré de ses attraits… difforme, inachevé…  Puisque je ne puis être l’amant…  Je suis déterminé à être un scélérat… » – qui se venge, bref un dégénéré programmé pour tuer, il ne serait pas le seul dément de la famille.

Rappelons les faits. Dans l’Angleterre de la fin du 15ème siècle, les York ont remporté la guerre des Deux-Roses et terrassé les Lancastre. Édouard IV règne mais son frère Richard, assoiffé de vengeance, lorgne le pouvoir. Richard va ainsi éliminer tous ceux qui se mettront en travers de sa route. Avec une grande habileté politique, il se débarrasse successivement de tous ses ennemis, en les dressant les uns contre les autres, les parents et amis de la reine, puis Hastings (son comparse jusque-là) sont exécutés. Ascension sanguinaire vers la couronne royale avant que le gouffre du néant ne l’enveloppe.

L’incarnation de William Mesguich, entre Quasimodo et Edward aux mains d’argent, est spectaculaire, dans une esthétique « Burtoncore » proche du jardin des délices terrestres de Bosch, il faut saluer l’incroyable travail sur les lumières et les costumes. Quand apparaît le bossu, de dos, comme projeté de la fange magmatique, on frissonne et de face c’est encore pire ! Sa chaussure cerclée de lanières accentue sa claudication et rend la marche difficile, il a également entravé les mouvements d’une de ses mains au point d’en être presque réellement paralysé et porte des bagues sur ses dents. C’est peu dire que le comédien est impressionnant, il est fulgurant, les yeux injectés de sang, les lèvres violettes et un maquillage très « smoky » charbonneux et blafard. La scénographie projette des espaces géométriques brun gris au dessin proche d’un Georges Braques. De ce palais lugubre, la Tour de Londres et ses célèbres cachots ne sont pas loin, les comédiens apparaîtront en clair-obscur et disparaîtront au sens propre comme figuré. À la fin le parricide est nu, presque seul à broyer du noir faute d’adversaires.

En dépit de sa noirceur, ce drame historique est aussi une tragédie complexe sur la fascination du pouvoir. Séduire les uns, flatter les autres, terroriser les troisièmes, tout est bon à cette pieuvre vénéneuse de Richard pour se hisser avec virtuosité au sommet de l’État. Ces nuances sont escamotées dans la version de William Mesguich au profit de l’hénaurme gothique. Dans la mise en scène de Thomas Ostermeier, débarrassée des oripeaux baroques, la transparence politique machiavélique du personnage porté à son paroxysme entraînait paradoxalement l’adhésion : voyez ma sincérité, semblait dire Richard (Lars Eidinger) puisque je vous montre combien je triche. La fin de Richard est relativement sobre chez Mesguich alors qu’elle renvoie à une purification (illusoire) du mal dans le monde par le sang. Le cadavre de Richard, chez Ostermeier était soulevé et suspendu au filin du micro comme Mussolini, vulgaire morceau de viande pendu à un croc de boucher.

En dépit de ces réserves, ce spectacle marque les esprits. William Mesguich met au centre le texte de Shakespeare, on entend chaque mot d’une troupe remarquable sans cesse en contact avec le public qui rend populaire une pièce totalement amorale où les frontières entre le bien et le mal sont floues. La représentation d’un tyran du XVème siècle ouvre une réflexion sur les dictateurs actuels. Cette unique représentation était jouée à guichet fermé, une reprise est heureusement prévue dans ce même théâtre en septembre 2025.

 

© Christophe Crénel

Richard III, de William Shakespeare

Mise en scène : William Mesguich

Son : Maxime Denis

Costumes : Alice Touvet

Avec : Estelle Andrea, Xavier Clion, Nadége Perrier, Madeline Fortumeau, Thibault Pinson, William Mesguich, Arnaud Guillo, Alexandre Bonstein

 

Vu le 8 décembre au théâtre des Gémeaux Parisiens

Durée : 1h50

 

Théâtre des Gémeaux Parisiens

15 rue du Retrait

75020 Paris

 

Réservation : 01 87 44 61 11

www.theatredesgemeauxparisiens.com

 

Tournée :

4 février : Castelnau-le-Lez (34)

6 février : Guéret (23)

13 février : Meudon la Forêt (92)

7 mars : Taverny (95)

11 mars : Monaco

18 mars : Boulogne-Billancourt (92)

8 avril :  Courbevoie (92)

10 mai : Montmorency (95)

16 mai : Ambérieu-en-Bugey (01)

23 mai : La Garenne-Colombes (92)

A compter de septembre 2025, reprise tous les mardis au théâtre des Gémeaux Parisiens

 

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