Critiques // « Richard III » de William Shakespeare, mise en scène de Thomas Ostermeier, au Grand Opera d’Avignon

« Richard III » de William Shakespeare, mise en scène de Thomas Ostermeier, au Grand Opera d’Avignon

Juil 13, 2015 | Commentaires fermés sur « Richard III » de William Shakespeare, mise en scène de Thomas Ostermeier, au Grand Opera d’Avignon

ƒƒƒ article de Florent Mirandole

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D’où nous vient notre fascination pour le mal ? Lors d’une conférence de presse Thomas Ostermeier rappelait que les Mystères, les spectacles religieux joués au Moyen Age, attiraient davantage de public lorsqu’ils consacraient plus de places aux personnages incarnant le vice plutôt que la vertu. Le penchant pour les âmes sombres se vérifie encore aujourd’hui, alors que le public d’Avignon se passionne pour ce « Richard III ».

C’est bien la rage sanguinaire du roi Plantagenêt, futur Richard III, qui semble avoir également séduit Thomas Ostermeier. Le metteur en scène a ainsi resserré l’intrigue autour de son personnage central. Dès l’ouverture, les mains de celui qui n’est encore que conte de Gloucester sont déjà trempées du sang. Après avoir aidé son frère Édouard à conquérir le pouvoir, il s’estime lésé et repart à la conquête du trône. S’appuyant sur les haines atrabilaires des Lancastre et des Plantagenêt, il dresse les uns contre les autres pour finalement hisser son trône sur les cadavres de ses parents, amis et femmes.

« Richard III » pourrait être le portrait d’un arriviste sanguinaire comme un autre si sa gourmandise à transgresser toutes les règles morales n’en faisait pas un monstre fascinant. Il séduit un à un ceux qui lui vouent des haines viscérales, renverse les alliances sur un claquement de doigts, joue avec les âmes comme il s’amuse à donner la mort. Alternant les colères noires et les prières mielleuses, Lars Eidinger crée un Richard III particulièrement fascinant de noirceur séduisante. Hypnotisé par ce roi des ténèbres, le public l’accompagne dans ce carnage avec d’autant plus de passion qu’il est lui même victime de ses charmes. Facilement farceur, cette bête difforme prend à parti le public, partage avec lui ses questionnements et s’enquiert de la santé des spectateurs.

Au-delà de la fascination qu’exerce ce personnage complexe, Thomas Ostermeier prend un malin plaisir à développer à l’extrême les multiples facettes du personnage de Richard, utilisant pour ça des trouvailles de mise en scène. C’est le cas par exemple lorsque Gloucester apparaît sous les traits d’un moine bénédictin occupé à s’attirer les faveurs du ciel, ou qu’il condamne Lord Hastings en quelques mots lapidaires. En mettant l’accent sur le génie de la dissimulation et de la perversion, le metteur en scène brouille encore un peu plus les pistes sur les raisons de notre fascination. Lorsque Richard III s’observe dans un miroir pour y deviner son propre pouvoir de séduction, nous aimerions jeter un coup d’œil tant ce personnage se révèle insaisissable et déroutant.

Sur une scène de terre battue, balayée par les seules percutions d’un jazz électro live, le metteur en scène allemand crée une pièce ramassée, cohérente et fluide, et nous prend par la main pour nous plonger dans les abimes de l’horreur. On ressort de ce « Richard III » groggy, fasciné par le goût du pouvoir, ce renversement virtuose des valeurs, et terrorisé par le goût que l’on a pu prendre à assister à ce carnage.

« Richard III »
Mise en scène Thomas Ostermeier
Traduction Marius von Mayenburg
Scénographie Jan Pappelbaum
Dramaturgie Florian Borchmeyer
Musique Nils Ostendorf
Lumière Erich Schneider
Vidéo Sébastien Dupouey
Costumes Florence von Gerkan, Ralf Tristan Scezsny
Marionnettes Susanne Claus, Dorothee Metz
Chorégraphie du combat René Lay
Surtitrage Uli Menke
Avec Thomas Bading, 
Robert Beyer, 
Lars Eidinger, Christoph Gawenda, Moritz Gottwald, 
Jenny König, 
Laurenz Laufenberg, 
Eva Meckbach, Sebastian Schwarz, Thomas Witte

Festival d’Avignon
Grand Opéra d’Avignon
www.festival-avignon.com

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