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Réquiem para un alcaraván de Lukas Avendaños, à La Commune – CDN Aubervilliers dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

Juin 20, 2024 | Commentaires fermés sur Réquiem para un alcaraván de Lukas Avendaños, à La Commune – CDN Aubervilliers dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

 

 

© Lukas Avendaños

 ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot

Aux sons cuivrés d’une fanfare mexicaine, harmoniques rutilantes, enivrantes et déchirantes à la fois, Réquiem para un alcaraván se travestit en procession. Visage dissimulé sous un voile blanc de dentelle, vêtu d’une longue jupe pareillement immaculée à la rigidité de vase d’où émerge le buste nu du performeur, Lukas Avendaños a le port d’une fantomatique vierge brinqueballée par des pénitents pendant la Semaine Sainte bien plus que celui d’une reine. Exit drag queen et consort. Cette entrée en matière, chorégraphiée toute en circulations lentes d’un point à l’autre de l’espace tri frontal, comme si elle marquait magiquement un territoire, trouble et stupéfie par sa puissance plastique et par le détournement que revêt ce tour de piste sans que l’on puisse mettre aisément les mots immédiatement dessus. D’une part, l’étrangeté opère par cette solitude inquiétante, contraire à cette musique festive habituellement associée à la foule, sorte d’ostracisme mis en scène, tel un stigmate, mais que l’on porterait haut et fort, comme une parure éblouissante. D’autre part, si la blancheur convoque la virginité et les joies du mariage, quelque chose d’une pompe funèbre résonne silencieusement, malgré tout. Le religieux, ses ors, son folklore essaimant dans la culture mexicaine, n’est qu’un sous texte, un cache-sexe, un prétexte, Lukas Avendaños s’en empare majestueusement avec la liberté de celui qui édicte ses propres règles et écrit sa vie. Transgressive et jouissive inversion, l’enveloppe du religieux est ici comme pénétrée, au sens sexuel, par la chair détachée du genre assigné.

Lukas Avendaños est artiste performeur, anthropologue, et investit comme champ de recherche et de performance artistique sa propre identité de muxe (ni homme ni femme, mais troisième genre dans la culture zapotèque). La procession se révèle process symbolique, encre sympathique où transparait non plus une identité d’origine mais une identité de devenir : cette circulation dans l’espace profane consacre un passage, une transition, devant témoins. La représentation, et bien plus encore la performance rituelle de ce Réquiem para un alcaraván, est le bain révélateur, au sens photographique et alchimique, d’une figure refoulée par la société mexicaine.

Trônant au centre de l’espace, voile relevé découvrant des cheveux attachés à la Frida Kahlo. Une bassine repose sur ses genoux pleine de boutons de roses rouges, les mains s’affairent, l’effeuillage romantique de la fleur est mis de côté pour une pratique beaucoup plus queer, et disons-le : suggestive, les doigts formant orifice, les pétales jaillissant comme une défloration entre les mains industrieuses. Les pétales finiront en bouche, régurgité comme un flot de sang. Lukas Avendaños crée de puissantes images mais jamais ne s’en repait. C’est un geste avant tout. C’est une colère sous-jacente, muette mais que l’on sent vibrante, prête à bondir. C’est un désir de l’autre, tout à son plaisir effronté de nous en remontrer, qui irrigue les traits bariolés et pittoresques de ce requiem. Les actes se succèdent et nous en sommes désormais les apôtres (moi-même ici écrivant), comme nous sommes les commensaux de cette eucharistie où l’on s’envoie un shot de tequila. Viva los putos ! Vive la Commune de Paris ! sera notre bréviaire. Ce combat est éminemment politique, par sa poésie queer. La danse de vie, cette transmutation de la lumière à la nuit où coule le sang des fleurs, crevant les sexes et défaisant les êtres, elle n’est autre que cet érotisme, qui selon Georges Bataille, n’est que « l’approbation de la vie jusque dans la mort ».

 

© Lukas Avendaños

 

Réquiem para un alcaraván, performance de Lukas Avendaño

Costumes: Irene Martínez Antonio, Mary Cristóbal Lobo, Wendy San Blas, Gilberto Mtz. Fabián (Dxi Laani), José Ángel Gallegos Sánchez

Étendard : Mariano Toledo Valdivieso

Musique originale : « Medio Xhiga » et « Diana Tradicional Istmeña » de Dominio Público / « Bitopa zuu’do » de Atilano Morales / « Gube II » de Atilano Morales / « Carreta Guie´» et « Fandango Tehuano » de Dominio Público / « Bere lele atribuido a Cenobio » de López Lena / « Marcha fúnebre » de Atilano Morales

Textes : Nora, Emilio Carballido (1980) / Lukas Avendaño

 

Durée : 50 minutes

 

Vu le 11 juin 2024 à 21h30 Dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

 

 

 

La Commune – CDN Aubervilliers

2 rue Edouard Poisson

93300 Aubervilliers

 

Tél : +33(0)1 48 33 16 16

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