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Red Notes, Rope Danse Translation, Fan Dance, chorégraphie Andy de Groat, par le C.C.I.N.P, à la MC93, dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis

Juil 05, 2022 | Commentaires fermés sur Red Notes, Rope Danse Translation, Fan Dance, chorégraphie Andy de Groat, par le C.C.I.N.P, à la MC93, dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis

 

Andy De Groat, Red Notes, 1980 © Christiane Robin, Médiathèque du CN D – Fonds Andy De Groat

 

ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot

Au lointain, une estampe japonaise projetée en noir et blanc : dessin en aplat d’un paysage montagneux. Au sol : des lignes blanches qui semblent parallèles bien qu’elles s’éloignent les unes des autres en s’approchant de nous. Effet d’optique oblige. Et puis, un lapin blanc, un lapin pour de vrai. L’incongruité, la magie du vivant prises dans les rets de l’artefact. A moins que, à l’inverse, un lapin blanc ne signe le pays des merveilles, le royaume de l’illusion ? Dans quel trou va-t-on nous pousser ? Rabbit hole ! Ainsi démarre Red Notes.

La reprise de plusieurs pièces du chorégraphe américain Andy de Groat (1947-2019), collaborateur de Bob Wilson, figure de l’émergence de la post-modern dance américaine, est un vrai prodige. Et au regard des pièces découvertes ce vendredi soir à la MC93, dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis, on ressentait une sorte d’évidence et de puissante nécessité dépassant largement la tendance actuelle au travail de répertoire qui s’est imposé à de nombreuses compagnies de danse contemporaine, quand jusque-là il s’agissait de la raison d’être du seul ballet classique. C’est que l’œuvre d’Andy de Groat a la particularité de s’actualiser dans sa répétition, d’être neuve par sa seule remise en jeu, d’être résolument performative. Loin du document d’archive, il s’agit bel et bien d’une œuvre vivante et vibrante. Un retour vers le futur.

Par un effet de mise en abyme vertigineux, les mouvements répétitifs opérant dans les pièces du chorégraphe américain, notamment Red Notes (créé en 1977), embrasent et troublent l’intelligence du spectateur de 2022 : la jouissive sensation que le geste répété au cœur de la pièce recouvre également cette autre répétition entre deux époques, celle de la reprise par rapport à celle de la création. Les mots percutants de Gertrud Stein lus dans la première partie de Red Notes démultiplient encore la force d’intervention performative des vingt-deux danseurs habillés de rouge : « Ainsi dans la répétition bien des choses sortent. Elles racontent l’histoire de chacun pour celui qui les écoutent » « Rien ne change d’une génération à l’autre sauf ce qu’on voit et c’est cela la composition ».

Andy de Groat a ceci de passionnant et de profondément émouvant qu’il embrasse d’un même geste l’universel, l’éternel, de la combinaison presque mathématique du mouvement répété et la singularité, la particularité, des interprètes. A l’inverse d’un Bob Wilson, où la forme ne laisse aucune marge, ne se dépare pas de son emprise spectaculaire, Andy de Groat laisse paraître le vivant. Comme une résonnance profonde du poème de Gertrud Stein : ce que l’on voit vraiment de différent, c’est la composition, la nature d’être de chacun. C’est à cela qu’il nous faut prêter attention, comme une friche sauvage dans l’évidence de la géométrie. C’est beau de voir apparaître une personne, unique, par un simple déhanchement dans une fuite en avant. Comme si l’histoire de chacun, unique, pouvait être perceptible dans cette ligne de fuite, dans cet instant éphémère qui se répète sur la musique hypnotique de Philip Glass.

Il y a de la multiplicité dans l’unité, il y a de l’unité dans la multiplicité. Andy de Groat écrivait à ce carrefour, conviait, avec cette même logique, professionnels et non professionnels à peupler ses créations. Ainsi en est-il de ce projet porté par le C.C.I.N.P (Centre Chorégraphique International de Nulle Part). Le temps d’une soirée, à l’instar de ces lignes blanches qui traçaient une perspective sur le plateau, la danse eut le pouvoir de raccourcir la chronologie et de nous faire toucher l’éternité d’une forme quand elle est taillée dans l’épaisseur du vivant.

 

Andy De Groat, Red Notes, 1980 © Christiane Robin, Médiathèque du CN D – Fonds Andy De Groat

 

 

Red notes (1977), Rope dance translations (1974), Fan dance (1978) de Andy De Groat

Chorégraphie Andy De Groat

Textes et musiques Gertrude Stein, Philip Glass, Michael Galasso

Réactivation CCINP – andy de groat

Avec le CND — centre national de la danse, dans le cadre du Festival des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis.

Interprétation : Stéphanie Bargues, Séverine Bennevault Caton, Katy Béziex (en alternance), Dominique Brunet (en alternance), Pierre Chauvin-Brunet, Laurent Crespon, Lola Kervroëdan, Tom Lévy, Lilou Magali Robert, Zowie Belhassen, Jeanne Boutillot, Lou Brezot, Jorge Castaneda, Rosalie Frecon, Véronique Labbé, Flore Laplace, Mona Marie, Esther Meunier, Angèle Michard, Sarah Muller, Élodie Raison, Francesca Veneziano, Claudia Waldmann

Regard extérieur : Martin Barré

Régie générale : Éric Fassa

Costumes : Suzanne Veiga Gomes

Transmission aux stagiaires : Dominique Brunet et Lilou Magali Robert

Notation en cinétographie Laban Vincent Lenfant et Noëlle Simonet

 

Red Notes, Rope Danse Translation, Fan Dance était présenté dans le cadre de Camping (CN D).

 

Durée : 1 h 20

Les 17 et 18 juin 2022, à 20 h 30

 

 

MC93 Maison de la culture de Seine-Saint-Denis

9, boulevard Lénine

93000 Bobigny

www.mc93.com

Tél : 01 41 60 72 72

 

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