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Rebota rebota y en tu cara explota, conception et mise en scène Agnés Mateus et Quim Tarrida, au Théâtre de la Bastille, Paris

Mar 20, 2024 | Commentaires fermés sur Rebota rebota y en tu cara explota, conception et mise en scène Agnés Mateus et Quim Tarrida, au Théâtre de la Bastille, Paris

 

© Quim Tarrida

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

 Une performance radicale et percutante qui n’y va pas avec des pincettes, se foutant royalement des métaphores, où les explosant, pour exposer crument son sujet, le féminicide. C’est foutrement intelligent, drôle parfois, décapant et traité au vitriol pour dénoncer une tragédie quotidienne, un fait de société, culturel et politique même, trop souvent classé dans les faits-divers avant de tomber dans l’oubli jusqu’au prochain assassinat. La violence des hommes, le patriarcat qui oblige, le mâle gaze, cette vision masculiniste toxique et culturelle qui empoisonne la société et mène au pire, à l’insoutenable, Agnés Mateus et Quim Tarrida le dénoncent vertement sur ce plateau avec un formidable sens de l’image, sans fioriture, trash dans sa simplicité extrême, d’une force corrosive, teinté parfois de sombre et de noire poésie, et l’aplomb énergique d’un discours sans langue de bois d’une violente et bénéfique franchise, appuyé sur une réalité documentée. C’est totalement décousu, en apparence seulement, mais seule en scène avec une énergie sans faille Agnés Mateus sait parfaitement où elle va et où elle mène sans ambages et par le bout du nez un public vite sidéré par le propos et l’à-propos abrasif de la forme choisie.

Dézingage en règle des contes de fées, vaste champs de massacre où les princesses sont renvoyées à leur assignation première, le mariage et les enfants, embrassées sans consentement, tôt abandonnées par des princes jean-foutre après avoir été violées, sinon féminicidées pour l’exemple. Cendrillon, la Petite Sirène, la Belle au bois dormant, Blanche-Neige, la mère de Dumbo et de Bambi (oui, elles aussi sacrifiées)… toutes ne sont que les avatars symboliques d’une réalité tout aussi sordide où le machisme ordinaire et coutumier agit en toute impunité, en toute légalité. Même les vraies princesses n’y échappent guère qui, enfin émancipées, se crashent sous les ponts.

Penser avec sa bite n’est pas qu’une métaphore ici et dans une séquence hilarante et glaçante Agnés Mateus, la tête affublée d’un moche prépuce – toute une histoire son achat en ligne – en fait la démonstration éclatante et pertinente. Une bite n’a pas d’empathie on le sait. La révolution copernicienne n’est rien en regard d’une réalité bien plus préhensible, la teubé étant au centre de l’univers et c’est bien autour de ce mâle appendice, tendu ou non, que depuis toujours ne tourne plus très rond le monde. Dénoncé aussi l’invisibilité sciemment entretenue des femmes, connues, méconnues, inconnues, renvoyées au néant dévolu depuis toujours à leur sexe dit faible, ou dûment exploitées pour des raisons mercantiles sans égard pour leur talent réel et révolutionnaire. En exemple de cette sale  récupératon, donné avec colère, de Frida Kahlo dont l’image démultipliée à en vomir pour un marchandising éhonté annihile sciemment de fait la profondeur d’une œuvre majeure et féministe.

Et puis il y a toutes celles féminicidées et dont la recension n’en finit pas de finir qu’Agnés Mateus a consigné et consigne encore dans un petit carnet, soit en moyenne deux femmes assassinées chaque semaine. Un devoir mémoriel pour ne pas les oublier qu’elle s’oblige avec raison devant notre propension à faire toujours l’autruche, ce qu’elle illustre très bien et à s’en étouffer, notre faculté crasse à regarder ailleurs quand l’homme joue du couteau aiguisé. Et ce qui relie tout ça qui semble épars ce sont de courtes et glaçantes vidéos en incise qui pourraient paraître bucoliques si chaque paysage, bord de route et décharge, terrain-vague, en y regardant bien ne portait pas son poids de tragédie, un cadavre de femme jeté là comme on jette un chien crevé. La réalité des images, la violence réelle de ses assassinats rentrent alors par effraction et par rebond sur le plateau et donnent une tout autre dimension, hors de tout discours et s’en dispensant de fait, à cette performance indispensable qui vous claque salement au visage.

 

© Quim Tarrida

 

Rebota rebota y en tu cara explota, conception et mise en scène Agnés Mateus et Quim Tarrida

Avec Agnés Mateus

Invité : Pablo Domichovsky

Son et vidéo : Quim Tarrida

Lumières : Laura Morin et Quim Tarrida

Coordination technique : Laura Morin

Photographies : Quim Tarrida

Traduction et sur-titrage : Marion Cousin

 

Du 15 au 20 mars 2024 à 20h

Samedi à 18h, relâche le dimanche

 

Théâtre de la Bastille

76 rue de la Roquette

75011 Paris

 

Réservation : 01 43 57 42 14

www.theatre-bastille.com

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