© Paolo Campanella

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Ravage, une parade sauvage, pleine de bruit et de fureur, résolument punk et queer. Dernière revue du Cirque Electrique, revue n°999, complètement déjantée, ravagée même comme son nom le proclame avec raison. Et cela tient autant aux artistes qu’à leur façon unique et spectaculaire de s’emparer comme à nul autre de leur pratique. Zora van der Blast, femme fatale et fakir, cracheuse de feu et avaleuse de sabre pour qui le clou du spectacle n’est pas un vain mot. Lalla Corda, trapéziste aux envolées rageuses sur une corde volante. Mademoiselle Démon, aux chaînes suspendue et sur cerceau perchée. Ces deux-là font de la haute voltige sans manière. Ces dames ne fignolent pas, pas de chichi-panpan ici, pas de courbette et de sourire figée comme un rictus. C’est vertigineux de brutalité, étourdissant de vitesse et de prise de risque assumée, voire de provocation assumée. Lilli Spaghetti, contorsionniste à vous faire grincer de rage et d’arthrite vos propres articulations, se démantibule le plus naturellement du monde. Adepte aussi du Hula-Hop et l’on se dit, au regard de ce qui est présenté, qu’il est loin le temps du cerceau au parc Monceau comme le chantait monsieur Duteil. Miss See You, beau comme une diablesse, au pôle danse et à la corde, se jouant du genre comme du quart et, cerise sur le gâteau, n’hésitant pas à enlever le haut et le bas. Oui madame, nonobstant ses talons de 16 et son corset serré, c’est un garçon ! Baby Schlag, au diabolo, quatre d’un coup, pas encore sept comme le petit tailleur (enfin si, mais en duo), le premier du genre dans cet exercice de haute jonglerie vous épate de tant d’adresse et d’invention avec ce machin rigolo qui tournoie sur son fil tenu par deux bouts de bois. Passe aussi Petit Bouquet aux accessoires, et puisque c’est l’année de son birthday, n’hésitant pas à jouer et à se faire la tête de Momo dit Molière pour quelques scènes en castelet, hilarantes et revisitées sans respect. Et pour couronner le tout, avec son panache crâne, son insolence absolue, son foutu talent, maîtresse de cérémonie et monsieur Loyal, tout ça à la fois, Corrine. LA Corrine, parce que diva trash un jour, diva cash toujours, c’est sûr. Qui vous chauffe à blanc la salle, la rabroue sèchement, jouant de la voix et du fouet pour dompter un public qui n’en peut plus de frapper dans ses mains devenues des battoirs vite explosés, les maxillaires bientôt crampées par les rires et les ha, et les ho… Elle chante aussi. Et change de tenue et de perruque, l’un n’allant pas sans l’autre, comme d’humeur, qu’elle a fort mauvaise. Cette créature qu’on croirait expulsée d’un tableau d’Otto Dix, création de Sébastien Vion, n’a pas son pareil pour bousculer allègrement cette revue génialement foutraque et lui apporter son grain de gros sel et de folie furieuse. Toute cette sauvagerie, cette dinguerie, est mise en scène (ou démise on ne sait) par Tapman, là-haut sur son estrade, dirigeant aussi avec insolence et vigueur un big band bourré de talent (et tiens, qui voit-on à la batterie ? le petit Baby Schlag maniant les baguettes comme ses diabolos). Et votre chroniqueur furieux d’être là, sur la fin de ce cabaret décadent, apocalyptique, de se dire qu’il ne reste qu’une poignée de jours pour découvrir ce cirque halluciné, électrique oui et dans tous les sens du terme, et qu’il aurait dû en parler bien plus tôt. Parce qu’avec ce qui se prépare à nous tomber dessus, et on ne parle pas que d’élection, ça fait un foutredieu de bien fou.

© Paolo Campanella

Ravage, cabaret décadent, mise en scène de Tapman

Avec Zora Van Der Blast, Lalla Corda, Madame Démon, Lilli Spaghetti, Baby Schlag, Petit Bouquet, See You, Corrine, Tapman, Madame Sam, JB’S Funky People…

Du 16 février au 26 mars 2022

Du mercredi au samedi à 21 h

Cirque Electrique

Place du maquis du Vercors

Porte des Lilas

75020 Paris

Réservations 09 54 47 24

www.cirque-electrique.com

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