© Christophe Raynaud de Lage
ƒƒ article de Toulouse
Avec Que viennent les Barbares, Myriam Marzouki ouvre un débat qui transpire d’actualité et pose cette question qui peut tant déranger : « qu’est-ce qu’être français aujourd’hui ? »
Il s’agit-là d’une pièce bien didactique et faite avec exemplarité. Une pièce qui sait prendre la bonne distance et la juste mesure sur notre monde, et porter un regard – non pas seulement critique mais davantage factuel et nuancé – sur la situation. Et c’est en évaluant la situation globale que naissent différentes situations scéniques. On bascule alors de la réalité à la fiction, du grand débat national à des fragments d’existences ou des expériences singulières. La dramaturgie de cette proposition, toute bien pensée, est ainsi faite de scénettes, comme autant de fragments, qui les uns au regard des autres forment la mosaïque sociale de notre France. Myriam Marzouki ose aller parfois dans les clichés et les images d’Epinal pour en dégager certains points qu’il est urgent de convoquer à la scène. C’est davantage la question d’appartenance qu’elle semble poser en convoquant la figure de l’étranger, tout en faisant comprendre qu’il existe bien une tendance à conditionner l’altérité et créer ces figures d’étrangers dans notre histoire et nos schémas sociaux.
C’est avec une joyeuse équipe de six acteurs que nous plongeons à la fois dans les mythes qui ont fait la gloire et la honte de la France. C’est sans hésiter que Myriam Marzouki s’amuse à convoquer sur scène des figures historiques incarnées avec beaucoup de ludisme. Ainsi des penseurs comme Lévi-Strauss prennent la parole, et se retrouvent à discuter avec l’administration française pour la demande de citoyenneté. En résulte des scènes tout à fait amusantes et qui construisent l’architecture du spectacle sous un bon modèle de dialogue platonicien en quête d’une certaine vérité. A nous ensuite, spectateurs, d’en tirer nos propres conclusions…
C’est enfin en confrontant un métissage de figures et de personnages qu’on tente de comprendre la raison qui les sépare comme celle qui les rassemble, et comment fonctionne intrinsèquement une communauté. Bien évidemment, cette pluralité d’histoires et de caractères, rattachés les uns aux autres, sont soigneusement pensés pour créer les pires contrepoints, comme aussi les meilleurs et les plus absurdes. S’en dégage alors un humour évident, mais aussi un certain onirisme qui déplace le curseur esthétique du spectacle vers un théâtre de l’image et du sensoriel. Cela advient davantage à la fin du spectacle qui, suite à une autoroute de l’histoire et de la logique, prend un virage et bifurque vers les chemins de la métaphore. L’écriture, textuelle comme scénique, prend alors une nouvelle dimension poétique, qui fait respirer le spectacle, ouvre de nouvelles perspectives (bien plus métaphysiques) et stimule le paysage imaginaire du spectateur.
© Christophe Raynaud de Lage
Que viennent les Barbares, texte et dramaturgie Sébastien Lepotvin et Myriam Marzouki
Mise en scène Myriam Marzouki
Avec des extraits de Constantin Cavafis et Jean Sénac, et des passages librement inspirés des interviews et récits de Mohamed Ali, James Baldwin et Claude Lévi-Strauss
Scénographie Marie Szersnovicz
Lumière Christian Dubet
Son Jean-Damien Ratel
Costumes Laure Maheo
Assistante à la mise en scène et regard chorégraphique Magali Caillet-Gajan
Stagiaire assistant à la mise en scène Timothée Israël
Construction décor Ateliers de la MC93
Avec Louise Belmas, Marc Berman, Yassine Harrada, Claire Lapeyre Mazérat, Samira Sedira, Maxime Tshibangu
Du 13 au 23 mars 2019
Durée 1h40
MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
9 boulevard Lénine
93000 Bobigny
Réservation au 01 41 60 72 72
www.mc93.com
Métro Ligne 5 : Station Bobigny – Pablo Picasso
Tramway T1 : Station Hôtel-de-ville de Bobigny – Maison de la Culture
Bus 146, 148, 303, 615, 620 : Station Bobigny – Pablo Picasso
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