ƒ article de Suzanne Teïbi
Le Collectif DRAO sait raconter des histoires. Ici celle d’une liaison adultère chez les petits-bourgeois d’une grande ville capitaliste occidentale. Ce pourrait être n’importe où. Une de ces villes interchangeables qui se ressemblent toutes. Toutes les mêmes hôtels quatre étoiles standardisés, toutes les mêmes rues. Ici les murs gris de la ville sont mouvants, qui glissent sous nos yeux à mesure que le récit avance et que l’on ré-agence l’espace, dans une inquiétante étrangeté.
Daniel et Évelyne se retrouvent dans cet hôtel anonyme tous les mercredis depuis cent semaines – une parenthèse sans conséquence dans leurs vies respectives – cela pourrait changer si les règles du jeu venaient à changer. Et les règles changent : Daniel demande à Évelyne de tout avouer à son mari ce mercredi-là. Il en fera de même avec sa propre épouse. L’équilibre est mis en péril.
A nouveau les murs glissent. Emmènent ailleurs dans la ville froide. Emprisonnent toujours un peu plus. Veillent à ce que l’on ne s’échappe pas.
A la manière de La ronde de Schnitzler, les quatre personnages que forment ces deux couples vont prendre le relais dans des scènes à deux (après Daniel et Évelyne, c’est Daniel et sa femme Suzanne – la peintre portraitiste – puis Suzanne et Sébastien le mari d’Évelyne, et enfin Évelyne et Sébastien) comme autant de facettes d’un amour petit-bourgeois étouffant.
Le dispositif dramatique est bien huilé : aux scènes de couple vient toujours s’ajouter la présence temporaire d’un truculent personnage secondaire – le groom, le modèle, le flic ou l’étudiant qui vient répandre la bonne parole pour se faire de l’argent de poche. Mais ce drame bourgeois au systématisme formel, malgré un décalage salvateur dans l’étrangeté, n’étrique-t-il pas le collectif ? On avait vu DRAO génial d’inventivité dans Nature morte dans un fossé de Fausto Paravidino, troublant et percutant dans Petites histoires de la folie ordinaire de Petr Zelenka. Ici, la pièce de Lukas Bärfuss est-elle à la mesure de leur force de proposition ? Quelle histoire nous raconte-t-on ? Ne les limite-t-elle pas à un jeu petit-bourgeois qui a ses limites narratives ? Si l’auteur veut nous renvoyer à la figure la violence de notre société – de quelle réelle liberté disposons-nous une fois le vernis du libéralisme gratté ? – le choix du drame bourgeois, si étrange soit-il dans son traitement, ne contrecarre-t-il pas, avant même de l’avoir déployée, la force du propos ?
Quatre images de l’amour
Texte Lukas Bärfuss
publié sous le titre L’amour en quatre tableaux (L’Arche Editeur)
Création du Collectif DRAO
Traduction de l’allemand Sandrine Fabbri
Collaboration artistique Dominique Boissel
Scénographie Collectif Drao
Lumières Olivier Schwal
Création son Marc Bretonnière
Costumes et accessoires Catherine Cosme
Direction technique John Carroll
Images Maïa Sandoz
Avec Fatima Soualhia-Manet, Gilles Nicolas, Stéphane Facco, Sandy Ouvrier, Benoît MochotDu 16 janvier au 15 février 2015
du mardi au samedi à 20h30
le dimanche à 16h30Théâtre de la Tempête
Route du Champ de manœuvre – 75012 paris
Réservations 01 43 28 36 36
www.la-tempete.fr
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