© Jean-louis Fernandez
ƒƒƒ article de Nathalie Tambutet
Une création qui interroge la place de la relation humaine dans le soin et se focalise sur la fonction du jeu comme modalité thérapeutique dans le cadre de la pratique du psychodrame. Le jeu pour donner une forme à ce qui fait souffrir et s’en libérer. Un jeu libérateur. Une fonction comparable à celle du théâtre qui est de donner à voir une représentation vivante en opérant une mise à distance.
Une salle informe nous accueille meublée de quelques chaises, d’un poste téléphonique, de dossiers, de blouses blanches accrochées à un porte-manteau, de fenêtres sur le mur de la salle qui permet de voir les déambulations des patients et des soignants dans le couloir attenant. Nous reconnaissons les fameuses portes battantes au-dessus desquelles trône la signalétique verte lumineuse de la sortie qui nous rappelle bien l’hôpital.
Nous sommes directement plongés dans la salle de thérapie de ce centre psychiatrique qui accueille des femmes de tous âges. Elles sont là en raison de leur violence. Ce centre a la particularité de proposer des psychodrames dans son offre de soins.
Toutefois, avant même que le premier psychodrame débute, une soignante arrive très énervée. En effet, cette pratique est remise en cause par l’hôpital, trop onéreuse avec des résultats difficilement quantifiables. Le discours de cette soignante éclaire les apports de cette thérapie, qui est, non pas d’enfermer un patient dans un diagnostic mais de l’aider à donner du sens à son vécu. Alors oui, c’est long et cela mobilise du personnel. Les soignantes citent les atouts de cette pratique. L’accueil d’une stagiaire en formation nous en précise le cadre et le protocole.
Les psychodrames vont s’enchaîner sur la journée. Trois cas, trois patientes dont la violence s’exprime différemment. Deux adolescentes et une jeune femme. Ces cas nous permettent d’assister à un psychodrame, ce qui n’est pas possible en vrai. Nous entrons au cœur du processus. Nous sommes emportées par les histoires surprenantes des patientes, leurs réactions loufoques mais aussi par la richesse du jeu qui est proposé par les soignantes. Elles font partie de l’action et inventent selon leur personnalité et appréhension de la situation. L’enjeu est de révéler peu à peu à la patiente ce qu’elle ne perçoit pas, n’envisage même pas. Un petit débriefing avec la patiente conclut la séance. Les soignantes font la synthèse avant qu’une autre patiente arrive par le couloir.
Cette première journée se termine dans une semi-obscurité qui nous fait pénétrer dans le quotidien des soignants, des êtres comme tout le monde.
La musique ponctue les changements de temporalité. Des musiques fortes, enjouées, dynamiques, joyeuses colorent les tensions de l’équipe soignante et de la pression qu’elles vivent. Elles sont aussi à l’image de ce qui se joue dans le psychodrame, de redonner de la pulse de vie aux patients.
Une tension se joue entre deux soignantes en même temps que l’hôpital annonce la fin des séances de psychodrame en raison des travaux qui ont eu lieu juste à côté et de la panne d’électricité qui en découle, rendant difficile de maintenir les séances pour la sécurité de tous. Le drame. Que vont décider les soignantes ?
Le soignant fait comme il peut avec ce qu’il traverse dans sa vie. La thérapie, c’est de l’humain, de la relation humaine. Et si l’issue venait des patientes elles-mêmes, qui d’être entendues, considérées retrouvent un pouvoir d’agir à l’image de la danse qui nous est offerte. Le psychodrame en permettant de renouer avec l’imaginaire ouvre la voix des possibles.
Un spectacle remarquable, dynamique et drôle. Une qualité d’écriture telle qu’on a l’impression d’être dans un psychodrame. Une richesse et une finesse d’analyse des cas proposés qui traduit le travail de recherche sur cette pratique et la thérapie. Une implication et un jeu admirables des comédiennes à tel point qu’on a bien du mal à reconnaître qu’elles sont tour à tour soignantes et patientes.
© Jean-louis Fernandez
Psychodrame, conception et mise en scène Lisa Guez
Une écriture collective de Fernanda Barth, Valentine Bellone, Sarah Doukhan, Anne Knosp, Valentine Krasnochok, Nelly Latour, Clara Normand et Jordane Soudre dirigée par Lisa Guez
Collaboration à la mise en scène, à la dramaturgie et costumes : Sarah Doukhan
Conseil scientifique à la création : Géraldine Rougevin-Baville
Création lumières et scénographie : Lila Meynard
Réalisation du décor : Ateliers de construction du Théâtre de laCité sous la direction de Michaël Labat
Création sonore et musicale : Louis-Marie Hippolyte (Louma Hipp)
Conseil scientifique : Géraldine Rougevin-Baville
Collaboration artistique et production : Clara Normand
Regard chorégraphique : Cyril Viallon
Avec : Fernanda Barth, Valentine Bellone, Anne Knosp, Valentine Krasnochok, Nelly Latour, Jordane Soudre
Durée : 2h10
Du 03 au 12 décembre 2024 à 20h
Théâtre de la Ville Les Abbesses
31, rue des Abbesses
75018 Paris
01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com
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