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Pourquoi les vieux, qui n’ont rien à faire, traversent-ils au feu rouge ? création collective du Collectif 2222, mise en scène Thylda Barès, au Lavoir Moderne Parisien, Paris

Jan 13, 2022 | Commentaires fermés sur Pourquoi les vieux, qui n’ont rien à faire, traversent-ils au feu rouge ? création collective du Collectif 2222, mise en scène Thylda Barès, au Lavoir Moderne Parisien, Paris

 

© collectif 2222

 

article de Nicolas Thevenot

La vieillesse est un naufrage. L’expression est du général. Elle est bien connue, éculée. N’empêche, et c’est tout à son honneur, le Collectif 2222, formé par d’anciens élèves de l’Ecole Lecoq, a décidé d’en faire son territoire de jeu. La vieillesse, ce pays si lointain pour notre société qu’il serait devenu un pays étranger que l’on ne saurait aborder qu’à reculons. La proposition est culottée, le titre alléchant. La dernière fois que l’on avait vu des vieilles et des vieux c’était dans la vertigineuse et inoubliable mise en scène de Warlikowsky à l’Opéra Garnier de l’Orphée et Eurydice de Gluck. Il y eut aussi le polémique Sur le concept du visage du fils de Dieu de Romeo Castellucci.

Il y a aussi ces représentations sclérosées que le cinéma produit à la chaîne, sentimentalistes et servant uniquement de faire-valoir à d’autres générations.

Pourquoi les vieux, qui n’ont rien à faire, traversent-ils au feu rouge ? nous installe donc dans une maison de retraite et nous invite à partager le quotidien de ses résidents qui ne sont que passagers comme nous le rappelle assez vite un premier décès. Distribution de médoc, animations ludiques, anniversaire, abandon des proches, camaraderie et petites mesquineries entre pensionnaires, seront de la partie.

L’utilisation de masques, le registre burlesque, indiquent l’intention de traiter cette chronique d’un EHPAD ordinaire dans un rapport décalé et drôle.

Sauf que c’est plutôt un sentiment d’inconfort qui aura rapidement pris le dessus. Non pas que quoi que ce soit ait pu nous choquer dans la forme ou le propos. Non, ce qui nous a agacé est, bien au contraire, le fait de n’avoir assisté qu’à des attendus relativement polis, comme si l’écart initial du masque avait été jugé suffisamment effronté pour ensuite retourner sur un chemin bien assagi. Egalement un plateau qui fonctionne beaucoup par idées et gags, mais ne prend pas le temps de vraiment s’écrire organiquement et se déployer vers des terres inconnues et inattendues (à l’exception de la scène de tournoi en chaises roulantes).

On peut regretter que ces masques particulièrement réussis, auréolés de perruques cotonneuses et diamantées comme des théories de nuages, ne soient pas accompagnés d’un jeu et travail des corps et des voix affranchis du naturalisme. Naturalisme qui est comme un couvercle que l’on remet sur la marmite.

Et l’on se remémore la lecture de Rhésus, publié par Hélène Marienské chez P.OL., qui foutait littéralement le bordel dans une maison de vieux, et amenait une anarchie sexuelle, débridée, pornographique qui faisait un bien fou. Sans limite, sans chercher à plaire. Dans l’inconvenance la plus assumée et révolutionnairement drôle.

Et l’on se prend à rêver que le spectacle prenne lui-même la clef des champs comme Lydia, l’une des pensionnaires, entêtée à s’enfuir de cet espace et de ce temps qui n’est que la reconduction du même, Lydia, étrangement aphasique et pourtant beaucoup plus parlante que d’autres, peut-être parce qu’en elle s’exprime quelque chose qui échapperait à tous, nous compris, peut-être parce qu’aussi avec ce devenir-poisson, avec cette bouche muette qui fait des ronds comme un poisson qui bullerait dans son bocal, elle finit par faire advenir autre chose, que cette autre chose se décolle de la gangue de l’anecdotique, échappant aux motifs assignés à ce lieu. Pourquoi les vieux, qui n’ont rien à faire, traversent-ils au feu rouge ? est resté au bord de sa folie, et nous, au bord du chemin.

 

© collectif 2222

 

Pourquoi les vieux, qui n’ont rien à faire, traversent-ils au feu rouge ? : création collective du Collectif 2222

Mise en scène : Thylda Barès

Avec : ​Victor Barrère, Andrea Boeryd, Paul Colom, Elizabeth Margereson, Ulima Ortiz, Tibor Radvanyi

Scénoraphie : Popito

Création Lumière : Clémentine Pradier

Création Sonore : Nyls Barès

Création Musicale : Victor Barrere

 

Durée : 1 h 10

Du 5 au 9 janvier 2022 à 19 h, dimanche 15 h

 

 

Lavoir Moderne Parisien

35 rue Léon, 75018 Paris

Tél : 01 46 06 08 05

https://lavoirmoderneparisien.com/

 

Tournée :

Le 14 janvier 2022 : OMAC – Evrecy

Le 20 janvier 2022: Théâtre Victor Hugo – Bagneux

Le 26 mars 2022 : Ville de Thue et Mue

Le 15 avril 2022 : Théâtre de Duclair

Le 30 avril 2022 : Salle Michel Valéry – Montivilliers

Le 13 mai 2022 : Ville de Conches en Ouche

 

 

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