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Portrait d’une femme, de Michel Vinaver, mise en scène par Matthieu Marie, au Théâtre de l’Epée de Bois, La Cartoucherie, Paris

Fév 12, 2024 | Commentaires fermés sur Portrait d’une femme, de Michel Vinaver, mise en scène par Matthieu Marie, au Théâtre de l’Epée de Bois, La Cartoucherie, Paris

 

© Hervé Bellamy

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

Une fois le théâtre (re)trouvé dans l’amalgame joyeux et tentant de La Cartoucherie, (facile, c’est la seule salle devant laquelle vous vous désespérez de ne pas la trouver, avant qu’un miracle arrive et vous ouvre les yeux), un spectacle fort se déroulera, mêlant l’unique et l’écho, le mouvement et son contraire, quelques pas dans le temps.

Portrait d’une femme a été écrit trente ans après les faits, en 1984, par Michel Vinaver, s’inspirant des notes qu’il avait prise en 1953 sur le procès d’une femme, Pauline Dubuisson – devenue ici Sophie Auzanneau – qui avait assassiné son fiancé, étudiant en médecine comme elle. Ils vivaient une petite histoire qui devait courir vers le mariage, époque oblige, mais son fiancé avait rompu pour se marier avec une autre. Thème banal pourrait-on se dire en rétrécissant cette affaire. Oui, sauf que cette « affaire » a aussi donné La vérité, film d’Henri-George Clouzot, en 1960, La petite femelle, téléfilm de Philippe Jaeneda en 2015, et en janvier 2015, un ouvrage de Jean-Luc Seigle intitulé Je vous écris dans le noir.

Ce meurtre commis par une très jolie femme sachant rester tout à fait froide, a déchaîné les foules : aimait-elle son futur mari qu’elle trompait ? A-t-il fallut qu’il la quitte pour qu’elle tombe amoureuse ? Pourquoi l’a-t-elle donc assassiné ? Par colère, par douleur, pour lui rappeler l’honnêteté ? Ce drame est ici représenté comme une suite d’images extraites du procès, sur scène se trouvent les fiancés, la mère de Sophie, les avocats, le juge, divers témoins mais aussi l’assassiné. Nous sommes donc en plein procès et ici où là, la vie reprend, micro voyage dans le temps, précision, souvenir de celui ou celle qui répond au juge. Michel Vinaver mélange des propos tirés du journal Le Monde en 1953, pendant le procès, et toute une série de propos inventés et échangés par les protagonistes.

Très bon résultat, dans cette salle nue, nous sommes pris, réfléchissons, sommes attentifs aux réponses, expressions, sentiments qui peuvent sortir sans forcément le vouloir. Attentifs au véritable, au caché, au procès donc, aux hommes et femmes qui s’y présentent, d’un côté ou de l’autre, imaginant la culpabilité ou l’innocence de Sophie/Pauline.

Le regard reste libre, spectacle fluide et dense à la fois. Le procès et l’histoire elle-même. On passe d’un groupe d’acteurs à un autre, les éléments du procès, répondant ou rejouant. En fait les deux ensemble : le lit, le meurtre, etc. Devant les juges, avocats, public. Ceci donne une énergie au texte, le vrai, la recherche, le souvenir, le vrai et le faux. Les questions. Oui, nous sommes les jurés mais sans entrer dans le jeu, nous assistons à cette pièce mais nous ne nous contentons pas de regarder, d’écouter, nous nous demandons le plus sérieusement possible ce que nous pourrions penser ensuite, si elle est coupable ou non. Ce n’est pas un jeu, nous restons le public, mais nous nous sentons jurés.

L’attention aux expressions seules des corps, des visages, se développe, cherchant le sens dissimulé de telle ou telle petite phrase, la fluctuation, les mouvements, les flashbacks. Tout fonctionne. Nous ne pensons plus à rien d’autre. La tête restera-elle sur les épaules, combien d’années, la porte ouverte ? Liberté, culpabilité ? Une pointe de machisme ? Le procès d’un homme ayant tué sa fiancée aurait-il été si souvent repris ? Allez savoir ? Comment vivront la mère, la concierge, les amis ? Envie de lire ce texte de Vinaver, de se plonger plus encore dans cet événement et ses retombées. Des années après. Décidément.

 

© Hervé Bellamy

 

Portrait d’une femme, de Michel Vinaver

Mise en scène par Matthieu Marie

Assistants Hervé Bellamy et Amandine Voiron

Avec Alexandre Bécourt, Arthur Boucheny, Lou Dubernat, Inès Fakhet, Clémence Henry, Kessy Huebi-Martel, Matéo Nédellec, Julien Ottavi, Joana Rebelo, Emile Rigaud et MaLou Vezon

 

Durée du spectacle : 1h15

Du 8 au 18 février 2024
Du jeudi au samedi à 19h
Samedi et dimanche à 14h30
Le mardi 13 et le mercredi 14 à 19h

 

Théâtre de l’Epée de Bois

Route du Champ de Manoeuvre

75012 Paris

T+ 01 48 08 39 74

www.epeedebois.com

 

 

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