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Poor White Trash – L’Affaire Tonya Harding de Laura Boisaubert, Les Déchargeurs

Mai 02, 2023 | Commentaires fermés sur Poor White Trash – L’Affaire Tonya Harding de Laura Boisaubert, Les Déchargeurs

 

 
© Marie Lerat

 

ƒƒ article de Corinne François-Denève

 

Voilà une affaire que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre – à moins qu’ils n’aient vu Moi, Tanya, au cinéma. Il était une fois, dans les années 1990, en Amérique, deux rivales. Stars du patin à glace, elle n’avaient rien en commun. L’une, Tonya Harding, était une « poor white trash » : nantie d’une mère gênante mais ambitieuse, employée de dinners miteux, Tonya avait été dotée d’un physique poupin, somme toute assez ingrat. L’autre, Nancy Kerrigan, d’extraction tout aussi modeste, semblait l’incarnation idéale du rêve américain – dentition parfaite, sourire rayonnant, grâce innée, une merveilleuse Princesse des glaces sur qui les sponsors, et les Américains, pouvaient projeter leurs fantasmes. Tonya, à force de travail, maitrisait le triple axel ; avec une apparente et déconcertante facilité, Nancy ravissait cœurs et contrats. Le drame couvait, et il explosa, théâtral, devant les caméras : un inconnu brisa le genou de Nancy, à coup de batte de baseball, juste avant les JO. On soupçonna Tonya. Nancy se remit sur pied, et sur ses patins, et gagna une médaille. Quant à Tonya… N’était-elle pas de toute façon destinée à être la perdante, de toute éternité ?

C’est cette histoire qu’a décidé de raconter Laura Boisaubert, choisissant délibérément son camp, celui de la supposée méchante. Sa « poor white trash » n’est pas seulement pauvre au sens économique ; c’est aussi une « pauvre fille », qui mérite sans doute sinon notre pitié, ou à tout le moins une réparation. Si le fait divers n’est pas oublié, la mise en scène ne montre ni les patinages, ni l’agression. « Tonya Harding » est l’objet de son « affaire », mais elle la ressaisit, tente de se réapproprier son talent, son travail, son agency. On ne dira rien de la fin : faisant fi du « réel », ou choisissant de tourner le dos à des narratifs trop convenus, trop binaires, Boisaubert fait de sa « trash », dans ses oripeaux « campy », une sorte de super-héroïne sans qualités.

Alexandra Hernandez, mince gabarit et visage mutin, transforme son personnage en petit animal traqué, qui refuse d’être une victime, et regimbe devant un sort trop attendu. La petite princesse Kerrigan, qui accapare la lumière et l’attention (forte composition de Manon Preterre) n’est-elle pas d’ailleurs absolument insupportable ?

La petite scène des Déchargeurs est exploitée de façon intelligente : quatre comédiennes incarnent tour à tour tous les personnages, se changeant derrière des panneaux. La mère, l’entraineuse, sont également extrêmement bien composées (Anne Moisset, Lisa Colin). Il y a sans doute des personnages moins convaincants, plus caricaturaux, pas encore trouvés (Timothy) ; il y a peut-être quelques longueurs ; il y a encore un rythme à caler : peut-être faudrait-il trouver le rythme du burlesque, le montage « cut » du cinéma, la superposition des saynètes, pour aller chercher du côté d’un Llamas ou d’un Spregelburd. Mais peut-on vouloir le triple axel, quand le spectacle est déjà fort réjouissant ?

 

© Marie Lerat

 

Poor White Trash – L’Affaire Tonya Harding, de Laura Boisaubert

 

Mise en scène : Laura Boisaubert

Avec : Lisa Colin, Alexandra Hernandez, Anne Moisset, Manon Preterre

Lumières Juliette Petit

Décors Serge Chaventré

Costumes Brigitte Boisaubert

Création musicale, chant et interprétation Justine Gaucherand

Assistant à la mise en scène Léonard Boissier

 

Durée : 1 h 35

 

Du 27/04/2023 au 20/05/2023

les jeudis, vendredis, samedis à 21H00

 

Les Déchargeurs

3, rue des Déchargeurs

75001 PARIS

 

Réservations : 01 42 36 00 50

www.lesdechargeurs.fr

 

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