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Please Please Please, création de La Ribot, Mathilde Monnier et Tiago Rodrigues, Centre Pompidou, Festival d’Automne à Paris

Oct 22, 2019 | Commentaires fermés sur Please Please Please, création de La Ribot, Mathilde Monnier et Tiago Rodrigues, Centre Pompidou, Festival d’Automne à Paris

ƒƒ article de Denis Sanglard

Ça commence par des histoires, des nouvelles contées sur un rythme trépidant, martelées par une batterie, en mouvement continu, telles deux joggeuses vêtues d’aluminium, deux étranges libellules affairées. Un petit côté gym tonic qui détonne et surprend. Où il est question d’Hiroshima, de monstres, de père, de solitude, de noyade évitée, de manège et de trou… Histoires de cauchemars écrites par Tiago Rodrigues pour La Ribot et Mathilde Monnier, comédiennes pour l’occasion. Puis vient la danse, deux solos qui se rejoignent, étrange et ramassée sur elle-même. On rampe plus qu’on ne marche. Parfois on stoppe net avant de reprendre au même point d’arrêt. Le corps est désarticulé. Enfin, en conclusion, un dialogue mère/fille, quelque peu surréaliste, où il est question de transmission. De celle qui engage l’avenir, pour le meilleur comme pour le pire. Et puis comme scénographie, importante celle-là tant elle occupe étrangement la place, une masse énorme, limace, renard, fouine, on ne sait… fait de peau et de fourrure. Mon voisin malveillant penchait pour un étron.

Création déroutante il est vrai, qui scelle les retrouvailles entre ce deux-là auxquelles s’adjoint pour l’occasion Tiago Rodrigues, troisième larron. C’est d’une énergie de dingue et l’occasion aussi de mettre encore une fois les points sur les i, constat d’une humanité en roue libre, désespérante que chacun à sa façon, par leur art, n’ont eu de cesse de dénoncer. L’union fait la force. Histoire de corps aussi. Empêchés, contraints, triturés, métamorphosés. Libres aussi. Affranchi du carcan social, libéré de la norme, contournée par la danse, la performance. Please Please Please objet hybride à la fois performance, danse et théâtre, accolés plus que lié, trois séquences en échos, mais traversées de la même préoccupation, le corps empêché. La Ribot et Mathilde Monnier se soucient comme d’une guigne du résultat et que cela soit quelque peu bancal… Ce qu’elles balancent, le corps en avant, ne tient pas à la forme mais au fond. En cela la parole soulage le corps du discours, bienvenu Tiago Rodrigues et la finesse de son écriture énigmatique, pour lui impulser à contrario une sauvagerie, une énergie incontrôlable, enfin presque, qui n’a d’autres soucis que d’être rendu à son état premier, primaire voire archaïque, acculturé. Paradoxalement affranchi de la performance. Un retour à la nature, à la peau de bête donc, d’où le dépouillement en règle de la structure qui intriguait tant, dépecé promptement, réduite à une carcasse, un squelette. C’était bien ça le but de cette affaire, un équarrissage en règle de notre société déclinante et une mise à nu de la danse réduite à sa plus simple expression. Et non, ça pour mon voisin, ce n’était pas de la merde.