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Phénix, les actrices chez Marcel Proust, création de Séverine Batier sous le regard de Serge Cartelier, d’après l’œuvre de Marcel Proust, au Théâtre de la Reine Blanche

Nov 18, 2018 | Commentaires fermés sur Phénix, les actrices chez Marcel Proust, création de Séverine Batier sous le regard de Serge Cartelier, d’après l’œuvre de Marcel Proust, au Théâtre de la Reine Blanche

ƒƒƒ article de article de Denis Sanglard

Elles sont toutes là sur le plateau, réunies en une seule, Séverine Batier, impériale. Rachel, La Berma, la Duchesse de Guermantes. L’écho lointain de Sarah Bernhardt, le fantôme présent de Marlène Dietrich. Rachel, la promesse. La Berma et Sarah Bernhardt au crépuscule de leur gloire. La duchesse de Guermantes, critique féroce et théâtrale. Marlène Dietrich icône marmoréenne. Telles des phénix qui ne cessent de se réinventer. Meurent pour renaître de leurs cendres. Séverine Batier, fine comédienne, plonge dans l’œuvre de Marcel Proust et au travers de ses figures singulières interroge le statut même de l’actrice et de la représentation. A la fois elle-même, présence piquante, et celles qu’elle évoque avec peu, un boa, une étole, une intonation, une attitude. Un drôle de jeu entre narration et incarnation que facilite le récit et l’écriture de Marcel Proust. Bientôt on ne sait plus qui de la Berma, de la duchesse de Guermantes, voire de Proust, et de Séverine Batier déroule le texte. Une distance, une ironie entretenue sciemment. Un savant jeu de miroir sans tain où l’on ne sait plus qui se cache derrière chaque reflet. Séverine Batier joue, joue à jouer, ne joue plus, disparaît, esquisse, évoque. Ce qui importe là, outre l’écriture labyrinthique de l’auteur de la Recherche, c’est justement la représentation et ses enjeux, ses possibles, ses impasses, ses échecs. Alors elle tente, elle échoue, elle remet ça, s’obstine, abandonne. Procède par glissements, empile, rapetasse, défait. Comme Marcel Proust et ses paperolles. Et parce que ce dernier observait avec férocité ses contemporains, portraitiste hors-pair d’une société du paraître, ce portrait chinois très vite unifie ce qui est épars dans l’œuvre et c’est l’art de la représentation, du théâtre mais aussi de la société mondaine – représentée par La Duchesse de Guermantes -, sa cruauté, sa misère, sa vanité et sa beauté qui lentement émergent. Un art que cristallise jusque dans son déclin l’actrice. Juge d’elle-même, jugée par les autres, jugée par le narrateur. Etre et paraître, c’est toujours exister et renaître. Alors que vient donc faire là Marlène Dietrich chanteuse ? Sans doute que pour Séverine Batier, l’évoquant non sans humour, elle représente à la fois Rachel et la Berma. Moderne, image fabriquée, se réinventant sans cesse, l’âge et le déclin, un dernier tour de chant comme hymne funèbre avant la disparition et l’oubli… Elle est le pivot certes culotté de cette représentation et projette celle-ci hors du récit de Marcel Proust, de la fiction et de la littérature dans une réalité toute relative et contemporaine. Pas pour rien qu’après cette évocation nous passons illico au déjeuner de la Berma qui signe sa déchéance et son obstination à être. Séverine Batier ne lâche jamais le fil de son propos qu’elle tient serré. C’est parfois un peu distendu, un peu lâche, il y a certes des longueurs, la seconde partie s’essoufflant très vite. Ni le propos, pertinent et intelligent, ni le jeu de Séverine Batier, juste et fin, drôle, ne sont en cause. C’est sans doute à trop vouloir en faire, multiplier les lieux, les accessoires, une dispersion inutile que tout se dilue. Alors qu’elle supplée par elle-même, sa présence et son abattage, son intelligence du texte. Qu’importe cela est bourré d’énergie, de générosité et rondement mené. Cette représentation demeure un work-in-progress, une belle ébauche et une promesse certaine. Bref, comme son titre l’indique, un phénix.

Présenté lors de la manifestation Seine sur Scène, impulsé par le Synavi (Syndicat national des arts vivants), elle propose justement à des compagnies indépendantes de présenter leurs projets devant des diffuseurs, des programmateurs et le public, sans passer par Avignon et le off, car ce ne sont pas des auditions mais bien des lieux de rencontres et d’échanges. Avis, critiques et conseils sont donnés. Propositions diverses et sans sélection artistique il est proposé à des responsables de lieux artistiques d’Ile-de-France d’être parrain. Cette année 5 lieux, 30 compagnies et 40 propositions artistiques (théâtre, jeune public, danse, conte, spectacles, maquettes, lectures) participent à cet évènement. L’occasion de découvrir la jeune création, l’émergence de formes, affuter son regard et affiner ses goûts, satisfaire sa curiosité et découvrir les artistes de demain… Cette initiative-là, à l’heure où les difficultés abondent et se multiplient dans la création, mérite d’être signalée. Pour la programmation et les lieux : scènesurseine.org

Et c’est jusqu’au 30 novembre 2018.