© Simon Gosselin
ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette
« Je voudrais saisir le subconscient de cette pièce, le grand refoulé, les arcanes et les ombres, voilà ce qui m’attire dans Phèdre : un grand songe noir », a expliqué le metteur en scène, Matthieu Cruciani. Que dire d’autre, qu’ajouter, sinon que Phèdre vous abandonne sur un petit nuage, après presque deux heures d’émerveillement dont il est difficile de redescendre.
Phèdre peut faire peur, vers quoi peut-on être « embarqués » ? Le fantôme de Racine va-t-il bien se tenir, accepter, comprendre ? Là, ce fût très périlleux, ce fantôme était intenable, applaudissant violemment du début à la fin. Pour être honnête, le tout début peut faire un peu peur : les voix résonnent presque froidement, comme celles des enfants peuvent le faire à l’école, récitant Racine notamment. Méchamment ou trop pressé, on se dit qu’il faudrait souffler, pensant avoir tout saisi déjà, tout vu. Erreur monumentale, c’était la première, toujours impressionnante des deux côtés, et ceci explique peut-être la lenteur monumentale de ces dix minutes ? Peu importe, tout s’envole ensuite, vers la beauté de ce texte, oui, de toutes ces tensions, ces mensonges ou vérités trop rapides, bien entendu. Mais les voix aussi « sortent », s’emportent. Le public se penche ici ou là vers cette scène d’une pureté rare, menaçante et complexe, un public tendu, « sur-attentif », comme éperdument emporté vers Trézène, cette ville du Péloponnèse où tout explose.
La modernité de Phèdre nous prend à la gorge, certes ici soutenue par ces costumes extraordinaires, un décor simple et plus fort encore. L’amour, la trahison, la fierté et les combats, les mensonges ou les pieds dans le plat, Phèdre les mélange, on imagine Racine écrire, déchirer, reprendre et nous permettre d’avoir autant de bonheur, là, avant de regagner le RER. Racine voyait en ce texte une réussite parfaite. Oui. Et là, en plus il y a le travail de Matthieu Cruciani, de cette troupe jeune et vivante. Qui donne envie de (re)lire ce texte, de s’y (re)plonger et sentir à nouveau tout ce qui nous a été offert à Sceaux.
© Simon Gosselin
Phèdre, de Jean Racine
Mise en scène : Matthieu Cruciani
Assisté de : Jules Cibriario
Scénographie : Nicolas Marie
Costumes : Pauline Kieffer
Création musicale : Carla Pallone
Création lumières : Kelig Le Bars
Avec : Lina Alsayed, Jade Emmanuel, Ambre Febvre, Thomas Gonzalez, Maurin Ollès, Hélène Viviès, Philippe Smith
Du 7 au 17 mars 2024
Première en Ile-de-France
Durée 1h50
Les Gémeaux
49 avenue Georges Clemenceau
92330 Sceaux
Réservation 01 46 61 36 67
Adresse du site email : www.lesgemeaux.com
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