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Penthésilé.e.s Amazonomachie, texte de Marie Dilasser, conception et mise en scène de Laëtitia Guédon, à la MAC – Maison des Arts Créteil

Déc 22, 2021 | Commentaires fermés sur Penthésilé.e.s Amazonomachie, texte de Marie Dilasser, conception et mise en scène de Laëtitia Guédon, à la MAC – Maison des Arts Créteil

 

© Pauline Le Goff

 

 

ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot

Les marches d’un autel, des bougies, des vapeurs en volutes… et une immense visière, comme un mirador, ou comme une meurtrière.

Où voir. Le passé, le présent, le futur, comme indifférencié.

C’est la beauté première et la puissance du texte de Marie Dilasser que de savoir indéterminer ces temps pour n’être plus que dans l’instant de leur profération : le mythe de Penthésilée, reine des amazones, nous parle depuis cette ubiquité temporelle qui jamais ne tombe dans l’anachronisme, qui convoque les combats et les enjeux à venir comme s’ils avaient déjà eu lieu, étaient gagnés d’avance, inéluctablement, indiscutablement, qui évoque le passé comme s’il devinait et conjuguait notre avenir au futur antérieur. Penthésilé.e.s Amazonomachie opère un retour efficace à cette pensée mythique capable de trouer l’histoire conjoncturelle et d’y découvrir le noyau structurel de l’humanité.

Sans prévenir, les incursions de Marie Dilasser dans notre contemporain se fondent avec une douceur qui les rend encore plus implacables, confondantes. Et puis cette manière de parler le mythe avec les mots simples d’aujourd’hui leur restitue paradoxalement toute leur résistante et féconde opacité.

Pour atteindre à ce temps hors du temps, pour tailler cette pointe de diamant d’où voir et entendre dans toutes les directions temporelles, Penthésilé.e.s Amazonomachie s’arrache à l’ordinaire de la représentation par une première performance littéralement terrassante de Marie-Pascale Dubé, une sorte de transe chamanique, produite par le jeu complexe et poussé à l’extrême d’une respiration s’agitant frénétiquement, saccadée, produisant d’étranges sons gutturaux, végétaux, animaux… c’est peu dire que cette introduction qui allait bien au-delà de ce à quoi ils pouvaient s’attendre cloua dans leurs sièges les nombreux lycéens présents ce soir là ! Après avoir ainsi placé le spectateur dans cette écoute qui entend au-delà des mots, dans cette conscience élargie, Lorry Hardel pouvait s’avancer, souveraine, et partager le texte de Marie Dilasser. Je pourrais écrire des pages sur sa performance : d’une plénitude qui sait jouir de l’infini au creux d’une parole, magistrale dans la précision de sa présence, maîtresse des horloges pour un spectacle dont le temps serait le sujet et l’objet à la fois, elle a cette force tranquille à égalité du texte poétique de Marie Dilasser. Elle irradie, comme tous ses autres partenaires de Penthésilé.e.s Amazonomachie, cette gloire propre à l’acte performatif, que le théâtre trouve beaucoup plus rarement.

De même que le temps est réduit à une pointe de diamant confondant toutes les heures et les millénaires, de même Penthésilée est plurielle, incarnée au plateau successivement et parallèlement par deux comédiennes et un danseur-acteur. Penthésilé.e.s est cette figure et forme capables d’accueillir toutes les autres, y compris Achille qui s’y fondra et prendra corps de femme.

Le poème chantera les guerres, le sexe des femmes, les menstrues. Le poème fera territoire (« nos seuls territoires sont nos organismes »). Il assénera pour assainir des millénaires d’un patriarcat mortifère. Et, s’il y a sorcellerie ou magie, ce n’est pas dans l’apparat des bougies et des fumées de pacotille, ce n’est pas dans les ombres sanglantes d’un crépuscule, mais c’est bien dans l’expérience totale comme l’écoute d’un chant auquel on ne peut se refuser, nous enveloppant et nous détachant pour nous amener encore un peu plus loin d’où les mots nous avaient laissés, à la manière des Sept dernières paroles du Christ de Haydn joué à la fin du Golgotha Picnic de Rodrigo Garcia. Cette expérience d’une illusion prenant l’épaisseur du réel et du contemporain. Cette expérience de la souveraineté du destin féminin comme seul futur possible de notre histoire commune.

Cet avenir féminin qui advint le temps d’une soirée.

 

© Pauline Le Goff

 

Penthésilé.e.s Amazonomachie, conception et mise en scène : Laëtitia Guédon

Texte (commande d’écriture) : Marie Dilasser

Avec : Lorry Hardel, Seydou Boro, Marie-Pascale Dubé

Et un chœur : Sonia Bonny, Juliette Boudet, Mathilde de Carné, Lucile Pouthier

Chef de chœur : Nikola Takov

Arrangements : Grégoire Letouvet

Création sonore : Jérôme Castel

Scénographie : Charles Chauvet

Vidéo : Benoît Lahoz

Lumières : Léa Maris

Costumes : Charles Chauvet, Charlotte Coffinet

Assistant à la mise en scène : Quentin Amiot

 

Durée : 1 h 40

Du 14 au 16 décembre 2021 à 20 h

 

 

MAC – Maison des Arts Créteil

Place Salvador Allende

94000 Créteil

tél : 01 45 13 19 19

www.maccreteil.com

 

 

Tournée :

Le 13 janvier 2022

Creil – La Faïencerie – Théâtre de Creil

Du 28 au 29 janvier 2022

Fort-de-France – Tropiques Atrium

Du 4 au 5 février 2022

Basse Terre – L’Artchipel

Du 6 au 22 mai 2022

Paris – Théâtre de la Tempête

 

 

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