© Odieuxboby
ƒƒ article de Hoël Le Corre
Adapter une bande-dessinée sur scène n’est jamais chose aisée, tant les traits, les choix des expressions, la cadrage, les couleurs sont précis sur la planche. Les amateurs cette œuvre de Hubert et Zanzim auront forcément en tête les lignes épurées et le ton enjoué des personnages de cette histoire. Alors certes, le décor de cette adaptation peut sembler kitsch et vient quelque peu dévoyer la poésie du dessin de Zanzim ; mais une fois passée cette potentielle déception, l’énergie et l’engagement des comédiens prennent le pas et on se laisse porter par la pertinence du propos et la fraicheur de la forme. Car pour mettre en mouvement l’univers de Bianca et de cette ville en pleine Renaissance, Léna Bréban a souhaité faire de Peau d’homme une comédie musicale. Ce qui peut à première vue paraitre surprenant se révèle tout à fait astucieux tant cette fable appelle au tourbillon de la vie, à la valse des émotions. Et quand cette idée est assistée de la malice de Ben Mazué et du talent d’une distribution impeccable, le texte prend forme dans les bouches, dans les cœurs et dans les corps pour le plaisir des spectateurs de tout poils. Car oui, la modernité du sujet, servie par une forme haute en couleurs, attire un public varié : des couples, des bandes de copines, des familles, cette diversité est assez rare pour être soulignée !
Peau d’homme, c’est donc l’histoire si commune de cette jeune fille que ses parents s’apprêtent à marier à un homme qu’elle n’a jamais rencontré. C’est l’histoire d’un temps « pas si lointain » où les rôles et les genres étaient très séparés, où l’intimité et l’amour n’entraient pas dans l’équation du mariage. Seulement voilà, Bianca, interprétée de façon incandescente par Pauline Cheviller, est curieuse, espiègle et refuse de se marier sans avoir d’abord pu observer l’homme auquel elle est destinée. Voilà un début de conte somme toute assez classique, vous vous dites. Par chance, sa truculente marraine possède une Peau d’Homme… En l’enfilant, Bianca aura ainsi tout le loisir de côtoyer son futur époux « dans son monde », entouré d’autres hommes… Elle est loin de s’imaginer ce qui va arriver et ce qui s’en suivra.
Au même moment, et c’est là toute la réussite de cette fable, la ville est en proie à un retour du conservatisme religieux. Le nouveau prêtre de la ville, qui n’est autre que le frère de Bianca, a d’autres desseins pour les habitants de cette bourgade. Terminés les plaisirs, terminés les libertés, les expressions d’identités divergentes, terminé le carnaval et la « dépravation des âmes et des corps ». Toute ressemblance avec des tentations réactionnaires actuelles n’est peut-être pas fortuite… Il est vrai qu’on aurait pu apprécier une once d’impertinence en plus, et une morale parfois moins appuyée, mais l’équipe artistique porte avec tant de conviction et d’émotion cet hymne à la différence, à la tolérance, à la liberté qu’on ne peut en sortir qu’enthousiasmé, et même assez ému. C’est que… On n’est pas tous pareils, on n’aime pas tous pareil, et on ne le répètera, on ne le chantera, jamais assez !
© Odieuxboby
Peau d’homme, d’après la B.D de HUBERT et ZANZIM, adapté et mis en scène par Léna Breban
Avec : Pauline Cheviller, Emmanuelle Rivière, Valentin Rolland, Aurore Streich, Adrien Urso, Régis Vallée, Jean-Baptiste Darosey, Vincent Vanhée, Camille Favre-Bulle.
Musiciens : Clément Simounet, Clémént de Witt
Décors : Juliette Azzopardi, Jean-Benoît Thibault
Lumières : Denis koransky
Costumes : Création : Alice Touvet
Assistante : Peggy Sturm, Costumière : Sonia Bosc
Perruques : Julie Poulain
Musiques/Compositeur : Ben Mazué, Collaborateur : Fabrice Martinez
Musiques/ Créateurs sonores : Raphaël Aucler
Chorégraphe : Leïla Ka
Maître de chant : Camille Favre-Bulle
Du 8 octobre 2025 au 25 janvier 2026
Du mercredi au samedi à 21h et le dimanche à 16h
Durée : 1h50
Comédie & Studio des Champs-Elysées
15, av Montaigne
75008 PARIS
Réservations : 01 53 23 99 19
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