ƒ Article de Corinne François-Denève

© Bruno Crépin

 Tout part d’un livre, Pays de malheur. Paru en 2004, sous-titré « un jeune de cité écrit à un sociologue », l’ouvrage retrace la correspondance entre Younès Amrani et Stéphane Beaud : à travers les mails échangés se laisse voir chez le « jeune de cité » l’espoir d’un lendemain plus radieux, mais aussi la révolte du floué, tenté puis déçu par la religion, la politique, la culture, la France. On comprend ce qui, près de 15 ans plus tard, reste toujours d’actualité dans le texte.

La metteure en scène, Charlotte Le Bras, s’est emparée de l’ouvrage pour le porter sur les planches. Elle en a gardé le titre terrible, mais a déplacé de façon singulière la géographie implicite du sous-titre (devenu au théâtre : « une jeunesse française »). Au début, elle se présente sur scène, livre en main, pour présenter son projet, et le justifier. « Pour le théâtre, on a inventé ». Gageure terrible en effet que de faire vivre cette correspondance électronique. Le choix d’un trio qui permet de varier les genres et les « origines » est une très bonne idée, comme le fait de faire entendre la voix du sociologue (féminisée), avant de l’incarner (toujours par une femme). Parfois le procédé devient plus fastidieux, à l’image de ce long tunnel choral, plus forcé que réellement incantatoire ou imprécatif.

Le Bras propose de fait un théâtre très didactique, qui tient plus du cours (engagé, fort honnête, vraiment digne) que du spectacle. L’interprétation en est souvent fragile, l’intention forte. Une certaine maladresse est touchante (la joie de la communion par le théâtre ou la danse, moment gênant ou sublime). Pensée pour un public que touche sans doute peu le théâtre, a priori, mais beaucoup le propos, cette pièce n’en remplit pas moins sa mission nécessaire.

Pays de malheur ! Une jeunesse française

d’après le livre de Younes Amrani et Stéphane Beaud (éditions La Découverte)
conception, adaptation et mise en scène Charlotte Le Bras
assistante à la mise en scène Caroline Lerda
avec Karim Abdelaziz, Hakim Djaziri, Agathe Fredonnet, Caroline Lerda et Charlotte Le Bras
création et régie lumières Nathan Teulade
chorégraphie Sylvie Troivaux (Kafando)
construction structure bois Etienne Meunier

du 22 au 27 mai
mardi, mercredi, vendredi → 20h
jeudi, samedi → 19h
dimanche → 16h
durée 1h10
à partir de 14 ans

Maison des métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud

75011 Paris
Billetterie 01 47 00 25 20

http://www.maisondesmetallos.paris

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