© Thomas O’Brien

ƒƒƒ article de Corinne François-Denève

Dans le dossier de presse, la partie réservée à la présentation de Christine Murillo est résolument humoristique : la comédienne a travaillé avec des « gens émérites très très forts » et de « très grandes pointures ». Elle a joué dans des « films topissimes » et obtenu pléthore de prix, prestigieux, ou « qui n’existent plus », ou « encore mal connus ». Elle a exercé son art dans de multiples endroits, dont quelques-uns ont brûlé, ou ont été détruits. Il n’est en effet pas besoin de « présenter » Christine Murillo, et on s’amuse à cet exercice de style. Mais la notice ne fait pas uniquement sourire : elle montre aussi combien la comédienne, enfante de la balle et de Robert Manuel, connait le métier, son métier, et sait qu’il est fait de hauts et de bas, de misères et de gloires, d’éclipses et de lumières, et qu’il vaut mieux, pour y vivre ou y survivre, mettre son ego de côté, et penser d’abord à son art, avec une humilité amusée, ou un humble amusement.

En ce sens, la rencontre de Christine Murillo et de Pauline Carton est une évidence : on voit très bien cette grande dame des planches feuilleter les mémoires d’une camarade qui, pendant des années, a assumé avec grâce, alors qu’elle venait d’un milieu bourgeois, les rôles de concierges et de bonnes auxquels la confinait un répertoire alors fondé sur les emplois et le physique. Dans son Pauline & Carton, à la manière d’Isabelle Sprung re-enactant Sarah Bernhardt (au Guichet Montparnasse), Christine Murillo donne à revivre Pauline Carton, avec la seule aide d’un… petit carton, d’une table, d’un pliant, et d’un livre. Il y a aussi une violette, symbolisant l’amour de toujours de Pauline Carton, un certain M. Violette, et surtout une servante – cette lumière qui ne doit pas s’éteindre dans le théâtre, et que Christine Murillo ferme au début du spectacle, puis rallume à la fin, car c’est elle qui se fait entretemps la servante du théâtre, et des comédiennes.

Il n’est pas besoin de connaitre Pauline Carton pour apprécier le spectacle : d’autres personnages viennent y faire leur apparition, comme Michel Simon, ou Julien Clerc, ou même Danièle Gilbert, dans un dernier prodigieux numéro d’imitation où Carton, vieille dame indigne, vient pulvériser un monde télévisuel plein de vacuité et de superficialité. Et puis on y danse, on y chante, on y rit – c’est tout à la fois un spectacle de théâtre, une revue, un stand-up, un cabaret – de l’ancien et du moderne, et du meilleur, le tout porté par l’abattage éminemment généreux de Christine Murillo.

© Thomas O’Brien

Pauline & Carton, adaptation Virginie Berling, Christine Murillo, Charles Tordjman
Mise en scène : Charles Tordjman
Avec : Christine Murillo Lumières : Christian Pinaud

Durée : 1 h

Du 7 octobre au 17 décembre, les samedis et dimanches à 15h30 ou 19h30
Relâche les 14 et 15 octobre

La Scala Paris
13 boulevard de Strasbourg
75010 Paris

01 40 03 44 30
www.lascala-paris.fr

Be Sociable, Share!

•