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« Parade(s) », Festival des Arts de la rue de Nanterre

Juin 10, 2015 | Commentaires fermés sur « Parade(s) », Festival des Arts de la rue de Nanterre

impressions de Dominika Waszkiewicz

Sur la grande scène du monde…     

paraUne fois de plus depuis 1990, une douce folie s’empare du centre-ville de Nanterre qui devient, pendant trois jours, le théâtre de toutes les excentricités. Parés de pendants fluos signés les PlastiKeuses, les arbres du parc des Anciennes Mairies se pavanent avec des airs de sapins de Noël. À chaque coin de rue, une surprise vous attend. Musique, mots, gestes ou touchante immobilité. Plus d’une quarantaine de compagnies et environ 450 amateurs sont invités à transfigurer la ville. Haute-voltige et poésie du quotidien avoisinent les satires sociales et les chorégraphies muettes. Entre farces grinçantes et irrésistibles clowneries, le passant est convié à un extraordinaire voyage abolissant les frontières, qu’elles soient spatiales, humaines ou génériques. Nouveau cirque, marionnettes, théâtre d’objets ou physique, tous les moyens sont bons pour faire naître le plaisir.

Avez-vous déjà senti combien une simple chanson peut engendrer d’émotion ? Et que dire quand, en plus, c’est en direct, en live ? C’est ce que propose la septentrionale compagnie On Off. Sa création Sing Me a Song (abrégé SMS) offre une livraison de chansons à domicile (ou ailleurs), dédicace en sus. On choisit un morceau parmi la centaine proposée, sous le sourire bienveillant d’une charmante hôtesse au regard clair, on fixe une heure de RDV, un lieu, et c’est parti ! Un des cinq chanteurs enfourche sa mobylette turquoise et file livrer ce petit bout de cœur. Il ne reste qu’à savourer l’effet produit, que le moment soit signé Luis Mariano, Johnny, Dalida ou Ella Fitzgerald… sans oublier, bien entendu, la BO de la Reine des Neiges qui s’élève comme spontanément des quatre coins de la ville. Et, pour prolonger le plaisir de cette messagerie chantée, le théâtre Jean Arp de Clamart accueille les Lillois ce vendredi 12 juin pendant le festival des Petits Pois.

Près des petits bouts de scotch coloré d’Aurélien Nadaud, de curieux panneaux publicitaires semblent prendre vie sous notre regard. C’est la compagnie Kumulus qui choisit de détourner les slogans trop connus pour nous interroger sur notre réalité, avec humour et subversion. Coincés entre les parois de plastique transparent, les comédiens soumis à rude épreuve jouent pour nous des saynètes décalées, aux mots hélas parfois noyés dans la cacophonie environnante. On aurait pourtant bien aimé s’attarder davantage !

Alors, on prend le petit train (qui aurait pu être électrique, non ?) pour monter vers la place de la Boule et découvrir la féérie du manège recyclé Titanos ou le très prisé Manipuloparc dans lequel les enfants dès cinq ans sont initiés à la magie de la marionnette en créant et en manipulant, à partir de trois fois rien, leur petite chenille jaune.

Comme un vent de liberté !

Refus de la routine et appel à l’évasion, trois propositions nous ont particulièrement touchés par leur jouissif équilibre entre poésie et maîtrise technique.

reveilLe réveil, Théâtre du sursaut ©  Gilles Maréchal et Lou Herion

Tout d’abord, le Théâtre du sursaut nous entraîne au cœur du théâtre d’objets en proposant Le réveil, ode à l’écoute de soi et à l’évasion. Une femme apparaît, nerveuse et apeurée, claquemurée dans une bringuebalante cabane en bois où elle est condamnée à remplir des tubes, jour après jour et sous le regard vigilant d’un coucou caractériel. Poussée par ses souvenirs d’amour, elle décide finalement de prendre sa vie en main en s’échappant de sa prison, intérieure et extérieure. Une belle naissance à soi, et interprétée avec simplicité et justesse par la belge Hélène Pirenne.

Au détour d’une rue, on tombe soudain nez à nez avec un étrange cageot couronnant un corps disloqué. Fondus dans la foule qui avance, les comédiens-danseurs du collectif Bonheur Intérieur Brut traduisent dans leur chair et dans leurs mots nos peurs et nos courages : ce qui, finalement, fait notre humanité. Incroyablement présents, ils redessinent pour nous les contours, donnent corps à la ville en se racontant. Danse, chant, jeu, mime, les propositions vibrent de sincérité et de force. De la musique sort d’un gros ampli qui les accompagne et la poignante interprétation de l’Inaccessible étoile de Brel nous tire des larmes où se mêlent empathie et bonheur d’être au monde. Alors, rendez-vous au théâtre du Soleil de la Cartoucherie de Vincennes du 14 au 19 juillet prochains pour assister à « La Montagne » et frissonner à nouveau de bonheur.

bib Courage restons!, collectif Bonheur Intérieur Brut © DR

Ou bien, retrouvons cet été à Aurillac (du 19 au 22 août) la proposition, tout aussi émouvante, de la Ktha Compagnie. Installés cahin-caha dans un camion-gradins roulant à 5 km/h, les spectateurs reçoivent le texte des trois comédiens-relais marchant derrière, s’arrêtant parfois, courant aussi. Ils nous parlent des neuf minutes entre la première sonnerie du réveil et la seconde. Neuf minutes où tout reste possible, même de vivre. Et d’énumérer avec une grâce ineffable toute teintée de bienveillance les moyens d’échapper aux griffes acérées du quotidien. « Je voudrais m’arrêter », slogan récurrent appelant au carpe diem tant fantasmé et débouchant sur l’injonction finale « saccage ! », jeté là comme une délivrance, un appel à s’émanciper d’un monde qui nous étouffe.

Les enfants au cœur de la fête   

Cette 26e édition, dédiée à la mémoire du créateur du festival Claude Quémy, reste surtout une grande fête pour les jeunes spectateurs. Entre les ateliers offerts par les Noctambules, les créations emplumées des quatre coiffeuses-maquilleuses rousses de Dginko ou les irrésistibles mimiques du talentueux Mr Banana, c’est le paradis des petits (de tous âges). Qu’ils soient plongés dans la joyeuse sarabande dessinée par la Compagnie Annibal et ses Éléphants qui leur relate en couleurs et en chansons les catastrophiques aventures de l’entreprise Vidal, ou bien absorbés par les acrobaties cyclistes de Jessica Arpin qui nous résume les symptômes de l’amour par quelques flexions, ils sont RAVIS. Alors, un grand merci aux organisateurs de tous poils de rendre, chaque année, le miracle possible !

« Parade(s) »
festival des Arts de la rue
Nanterre centre ancien
spectacles gratuits
programmation Mireille Odena
secrétaire générale Mélanie Duplenne
chargée de production Sherazade Ardjal
directeur technique Jacques Michelou
directeur technique adjoint William Blot
stagiaire Pauline Guibé
service presse Catherine Guizard, La Strada & Cies
Accueil Lotfi Boudeghdegh, Erwan Euzen, Samir Gafri, Agnès Lenga
Avec la collaboration des agents de l’ensemble des services de la Ville de Nanterre et de l’équipe technique intermittente

www.nanterre.fr-rubrique culture
Facebook/parades.nanterre
Renseignements tél. 39 92
parades@mairie-nanterre.fr

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