© Jean-Louis Fernandez
article de Nicolas Brizault-Eyssette
Painkiller ou l’histoire d’une déception. D’un vide lassant. Le spectacle commence sur un ton un peu plus mouvementé. Un (vieux) roi de du football, Sadking, prend en otage, ou plutôt met de côté rien que pour lui seul, dans un terne caprice, un (jeune) humoriste (humoriste, il faut le deviner), Painkiller, dans une belle salle de bains, dont la forme, le décor, est probablement issu de DUST #13, une installation numérique de Frederik Heyman : de grandes marches de carrelage, support quasi majestueux d’une baignoire banale. Dans cette baignoire, qui elle, développe un intérêt majeur, règne à demi le vieux bonhomme, triste et comme tentant de faire encore quelques pas sur un fil, avant d’abandonner son superbe travail. Pour s’amuser, il a enlevé ce jeune prince de l’humour, paumé lui aussi. Nous allons donc tenter d’assister à ce conflit plus que paisible entre ces deux hommes. Comme l’avoue Painkiller : « C’est l’histoire d’un homme qui achète un jeune homme pour le divertir et qui se rend compte que la marchandise est pourrie (…) ». En fait, l’a-t-il acheté, volé ? On n’en sait presque rien, et cela durera tout le long de cet ennui démarrant après les dix toutes premières minutes, qui promettent beaucoup, mentent et prédisent un spectacle remuant et surprenant. Ces dix minutes passées on s’écrase cruellement dans un texte plat, lent. Texte qui nous pousse davantage à songer au linge propre mis à sécher dans notre salle de bains qu’au sens véritable de Painkiller, un antalgique en anglais. Substance que l’on serait tenté d’ajouter à cette liste lors de notre prochain petit tour dans un supermarché et passant devant la première pharmacie venue.
Painkiller est séquestré dans la baignoire, dans la salle de bains de Sadking. Celui-ci quitte son costume, s’habille, les deux en même temps, allez savoir. Il se souhaite enfin prince télé-éteinte. Plongé dans un ennui lent et contagieux, il enferme Painkiller pour que celui-ci l’amuse. Painkiller ne veut pas, ne se laisse pas faire sans menacer faussement de cogner, c’est une blague, ou se laisse faire sans bouger c’est selon. Sadking essaie de comprendre, pour rire un rien.
Nous sommes pourtant plongés dans la mollesse, la baignoire serait-elle remplie de sédatif ? Le texte de Pauline Haudepin est une série de mots secoués, ne libérant aucunes phrases donnant envie d’entrer réellement, dans ce Painkiller, de le suivre. On nous parle de folie, de conte, de torture ou de roi, de fou. De douleur aussi, la nôtre ? Le texte ne fascine pas, le jeu ne semble pas savoir dépasser les limites. On se demande juste quels sont les produits sous le miroir de la salle de bains, si la baignoire va se remplir d’eau. Si Pauline Haudepin, étant la Sirène des égouts dans Painkiller, sait justement les dépasser, les limites : un fou de la niaiserie amusante est sensé tartiner un roi du ballon rond de mousse à raser pour tenter de lui faire reprendre un éventuel droit chemin vers le rire et la vie ? Il le fait bien proprement. C’est vilain les taches et le trop, quelle horreur ! De temps en temps, simplement, le danger de molles lumières stroboscopiques, pour faire plus grand, plus impressionnant.
Bref, de l’incompréhensible mal secoué, un texte pénible et mal offert et, ici ou là, dans la salle, l’idée de changer d’appartement ou de faire des travaux. Painkiller.
© Jean-Louis Fernandez
Painkiller, écrit et mis en scène par Pauline Haudepin
Création (Pauline Haudepin est en résidence de création et d’actions artistiques au Théâtre de la Cité internationale, Paris)
Scénographie et costumes : Constant Chiassi-Polin
Son : Sarah Munro
Lumières : Laurence Magnée
Collaboration artistique : Alexandre Ben Mrad
Assistanat à la mise en scène : Léon Ostrowsky
Régie générale et plateau : Marion Koechlin
Fabrication des accessoires, costumes et décor : Atelier de la Colline
Administration et production : Agathe Perrault – La Kabane, assistée de Sarah Baranes
Avec John Arnold, Mathias Bentahar, Pauline Haudepin
Du 6 au 30 mars 2024
Du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h
Durée du spectacle : 1h20
La Colline
Au Petit théâtre
15 rue Malte-Brun
75020 Paris
Réservation 01 44 62 52 52
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