© Chris van der Burght
ƒƒƒ article de Toulouse
Chef d’œuvre incontournable, de loin un des spectacles les plus puissants de la saison, Alain Platel et son joyeux gang flamand captivent, transcendent, réjouissent et nous bouleversent.
Cette chorégraphie, désignée comme hommage à Pina Bausch – dont nous retrouvons forcément certaines similitudes ou clin d’œil tout en réalisant une pièce radicalement différente et singulière – signe un tournant.
Un à un les danseurs viennent du public, en civil dirons nous, et comme le simple rituel du vestiaire qui préparent à la danse, viennent se mettre en sous-vêtements puis se laissent emmitoufler sous de grandes couverture rouges. A partir de là nous quittons le monde des mortels, ou du moins le monde du conscient, à destination d’un espace mental délicat et supra-poétique. Nos perceptions basculent, se troublent, et tombent dans une danse qui comme pourrait le décrire Pascal Quignard précède le langage, la naissance, le sujet. C’est à dire qu’Alain Platel fait réellement bégayer le mouvement, pour y puiser la part à la fois la plus archaïque, animale, et humaine qui l’habite, pour nous révéler la quintessence d’une danse sans filtre (et pourtant ô combien écrite avec une précision chirurgicale).
Une danse qui vacille et tangue sans pourtant avoir le moindre doute sur ce qu’elle accomplit, va au bout de chaque intention, signe et valide puissamment ses états de corps. Une danse aussi qui convoque des parts informulées, des forces invisibles et inconscientes, qu’il serait très difficile et périlleux de décrire avec des mots, et qui pourtant se ressentent organiquement et de manière tout à fait limpide. Une danse du sensible et du vivant. Chez Alain Platel, rien n’est voué à l’artifice, la danse ne se maquille pas d’un fard esthétique, elle jaillit instinctivement et arrive comme elle vient.
Dans cette création, Platel se penche sur ce qu’on pourrait nommer comme infra-mouvements, ces lapsus-chorégraphiques, spasmodiques et incontrôlés, qui témoignent du geste inconscient, inflexible et non refoulé. Il explore en somme à bien des reprises, tous ces gestes qui nous échappent comme par exemple le ballet de spasmes musculaire d’un troupeau de vaches qui chassent les mouches, la valse de piétinement d’un ivrogne, l’émerveillement d’un bambin qui maintient la tête pour apparaître au monde et se torde de vie… Ces babillements expulsés donnent une étrange cacophonie de corps pourtant savamment en contre-point ou en ensemble, selon les lois d’une grammaire chorégraphique tout à fait précise et millimétrés. C’est ainsi une danse out of context, sans cadre, et qui pourtant s’épanouit dans une rigueur et une technique profonde tout en restant sensible.
Dans ce spectacle, les ballets C de la B réunissent avant tout des danseurs qui ont atteint une maturité absolument unique et sont au sommet de leur art. Techniciens virtuoses du jamais vu et grands interprètes, ils sont comme la richesse encyclopédique du spectacle vivant, tant leur corps transpire le tout et l’universel en restant si beau et si singulier. On a rarement vu ça… Peut-être chez Pina Bausch, et est-ce à nouveau ce qui la relie avec Platel ? Ce qui est évidement c’est que la salle est toute conquise, le corps du spectateur a perdu tous ses repères et tremble tout entier, des orteils jusqu’au somment, crâne d’une étrange vibration de joie, sans jamais se lasser de rappeler pendant les saluts ces anges de l’invisible, et sans jamais sentir la fatigue dans ses paumes à applaudir et applaudir encore ce moment unique que nous avons vécus dans une salle de théâtre.
Out of context for Pina,Conception et mise en scène Alain Platel
Dramaturgie Hildegard De Vuyst
Avec Mathieu Desseigne-Ravel, Kaori Ito, Mélanie Lomoff, Ross McCormack, Romeu Runa, Elie Tass, Rosalba Torres Guerrero, Hyo Seung Ye, Emile Josse ou en alternance Quan Bui Ngoc
Assistance à la mise en scène Sara Vanderieck
Lumière Carlo Bourguignon
Son et musique électronique Sam Serruys
Régisseur son Bartold Uyttersprot
Costumes Dorine Demuynck
Du 17 au 19 janvier 2019 à 20h
Le 19 janvier 2019 à 18h
MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
9 boulevard Lénine
93000 Bobigny
Réservation au +33 (0)1 41 60 72 72
https://www.mc93.com
Métro Ligne 5
Station Bobigny – Pablo Picasso
puis 5 minutes à pied
Tramway T1
Station Hôtel-de-ville de Bobigny – Maison de la Culture
Bus 146, 148, 303, 615, 620
Station Bobigny – Pablo Picasso
Bus 134, 234, 251, 322, 301
Station Hôtel-de-ville
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