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Orestie (une comédie organique) d’après Eschyle, mise en scène de Romeo Castellucci à l’Odéon

Déc 14, 2015 | Commentaires fermés sur Orestie (une comédie organique) d’après Eschyle, mise en scène de Romeo Castellucci à l’Odéon

ƒƒ  article d’Ulysse Di Gregorio

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Orestea 2015 © Guido Mencari

À la levée du rideau, une scène obscure et en son centre une chaise sur laquelle tournoie une énorme femme sous un parapluie. Tout le spectacle est ainsi composé d’une succession d’images de plus en plus insolites. Sur cette scène « organique » comme Romeo Castellucci l’intitule, la violence et  la cruauté sont le point central de sa création. Il est difficile de retrouver la moindre cohérence avec le texte d’Eschyle car le parti pris est celui de la performance et de l’esthétique au sens plastique du terme. Nous sommes transportés dans un univers cauchemardesque où la cruauté de la sexualité est exacerbée par des évocations SM dans les costumes et les accessoires manipulés par les comédiens. Les femmes, nues, ressemblent à des ogresses tandis que les hommes sont particulièrement frêles et fins ; un renversement des représentations qui évoquent le poids et l’autorité de la femme, mais également toute l’atrocité qui peut émaner d’elle.

Le propos artistique n’est pas toujours aisément saisissable, mais nous nous laissons transporter dans un univers où la lumière sculpte les corps et dessine les espaces. La première partie du spectacle est entrecoupée de passages narratifs et d’intervention du « lapin blanc » d’Alice au pays des merveilles. Celui-ci est à la fois dans l’histoire et hors de l’histoire, et se révèle être une transcription du coryphée. L’ouverture du deuxième acte est à l’opposé du premier, désormais c’est une lumière blanche et crue qui s’impose sur le plateau. Le spectateur est saisi par la beauté de ce tableau où se dressent dans une pièce de plâtre blanc deux êtres, eux aussi recouverts entièrement d’un maquillage blanchâtre. Ils avancent très lentement au milieu de meubles qui font penser à la maison du lapin blanc, et atteignent enfin un cercueil où doit se dérouler un sacrifice. De légers tremblements se font sentir tout au long de cet acte, entraînant ainsi un effritement du plafond de plâtre, et finalement dans un dernier tremblement beaucoup plus intense, nous assistons à la destruction de tout ce qui se trouve sur le plateau. Cette annulation de la scène, que l’on peut interpréter comme une destruction du monde, mais également comme une remise en cause du théâtre traditionnel est un pied de nez au spectateur. Romeo Castellucci provoque son public en utilisant des accessoires destinés tout simplement à la destruction à l’issue de la représentation. C’est certainement à cet endroit que nous pouvons émettre le plus de réserves : l’orgie des moyens techniques et matériels sans être porteurs d’une signification profonde provoquent une lassitude.

Cette proposition scénique repose surtout sur les tableaux vivants où Castellucci règne en grand plasticien. Pour se laisser transporter dans son univers (parfois un peu lourd d’évocations sexuelles) il faut accepter de ne pas trouver de correspondance avec l’Orestie d’Eschyle, mais également d’être attentif à l’humour noir qui se dégage des rapports entre les personnages.

Orestie (une comédie organique ?)
d’après Eschyle
Mise en scène Romeo Castelucci
Musique Scott Gibbons
Assistant à la création lumières Marco Giusti
Collaboration
Assistant à la scénographie Massimiliano Scuto
Automatisations Giovanna Amoroso, Istvan Zimmermann
Accessoires Vito Matera
Réalisation costumes Chiara Bocchini et Carmen Castellucci
Direction technique Eugenio Resta, Gionni Gardini
Avec Loris Comandini, Giuseppe Farruggia, Marcus Fassl, Carla Giacchella, Antoine Marchand, NicoNote, Marika Pugliatti, Fabio Spadoni, Simone Toni, Georgios Tsiantoulas
Jusqu’au 20 décembre 2015

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon – 75006 Paris
réservation 01 44 85 40 40
www.theatre-odeon.eu

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