À l'affiche, Critiques // « On ne peut pas rire de tout » de Patrick Timsit, mis en scène par Ahmed Hamidi au Théâtre du Rond-Point

« On ne peut pas rire de tout » de Patrick Timsit, mis en scène par Ahmed Hamidi au Théâtre du Rond-Point

Jan 23, 2015 | Commentaires fermés sur « On ne peut pas rire de tout » de Patrick Timsit, mis en scène par Ahmed Hamidi au Théâtre du Rond-Point

ƒ article de Victoria Fourel

p183769_5© Giovanni Cittadini Cesi

La question « Peut-on rire de tout ? » semble vieille comme l’humour, et pourtant vraiment actuelle, aussi. Patrick Timsit essaie d’en ébaucher une réponse, en faisant avec son public la liste des sujets controversés, voire douteux pour lesquels on se le demande tous les jours. En posant la question à son public, il fait l’inventaire des sujets, et s’en donne évidemment à cœur joie au passage.

Ce spectacle fait l’effet d’un grand plaidoyer pour le politiquement incorrect, pour l’humour sans barrière, et contre l’absurdité des ‘lois’ de l’humour. « Bonsoir », ça, on peut le dire, il s’empresse de le noter. « Shalom », c’est moins admis, on risque de dire que c’est un spectacle communautaire. Bref, il est rapidement évident que ce spectacle est nécessaire. Se rappeler ensemble qu’on peut rire de tout, même si, dans la pratique, on est parfois face à un mur d’incompréhension. Handicapés, juifs, arabes, hommes, femmes, personnes âgées, allez, tout le monde en prend pour son grade. Cela donne un spectacle sous forme de traité d’humour, dont Timsit dit qu’il change d’une ville à l’autre, car les réactions à ces questionnements ne sont pas toujours les mêmes. Concept intéressant, donc, qui se construit avec son public. Le comédien inclut les personnes en face de lui, parce qu’il faut écouter les bruits de la salle pour savoir de quoi l’on peut rire. Le plus gros atout de l’écriture de l’humoriste et de ses acolytes, c’est sa mauvaise foi. En attaquant un sujet en posant une question « Et ça alors ? Est-ce qu’on peut rire de ça ? », on sait tout de suite que oui, on peut en rire, et qu’il ne va pas se priver. On rit donc parfois d’avance, et Timsit, sourire aux lèvres, est ravi.

Mais si l’écriture et la structure du spectacle sont assez novatrices, on ne peut pas dire que la forme le soit. C’est ce que l’on peut reprocher à ce one-man show, qui surprend d’abord, puis s’installe dans sa forme. L’acteur parle à son public, marche vers lui, puis s’assoit pour accéder à sa liste, puis se lève et ainsi de suite. On aurait aimé qu’il revisite les codes du genre, puisqu’il en revisite les sujets. Ce spectacle d’humour sur les spectacles d’humour aurait pu être beaucoup plus marquant, visuellement. Ce manque de sursaut se ressent évidemment aussi sur les lumières, qui suivent ce cheminement, debout pour les sketches, assis à une table pour la fameuse liste. Si le désir des auteurs est de faire rire sans limite, la mise en scène en pose beaucoup, des limites. Timsit joue sur son propre personnage, sur le lien évident qu’il a avec son public, qui le suit, et avec qui il parle comme à des amis. On suit donc avec plaisir le spectacle, on attend chaque nouveau sujet, chaque nouvelle impertinence. Et c’est pour cela qu’on regrette qu’il n’y en ait pas plus. Les codes du one man show ne sont pas dérangeants, mais dans un spectacle qui reflète un tel recul sur le genre, on aurait aimé voir changer la forme (le costume, le côté linéaire de la structure, les piétinements du comédien, la petite table, etc.).
Même si certains gags sont un peu attendus, Timsit réussit son coup, en devenant un rassembleur, un moqueur de bienséance. Il le dit lui-même, il trouve ça super de jouer dans un théâtre qui prône le rire de résistance, même s’il est convaincu que c’est un rire de collaboration, qu’il faudrait inventer, vu que les résistants font rarement de vieux os. Mais c’est clairement un rire de résistance, qu’il a entre les mains, un rire qui lâche les vannes, qui autorise l’humour en posant les bonnes questions, et par les temps qui courent, c’est déjà une belle résistance.

De Bruno Gaccio, Jean-François Halin et Patrick Timsit
Mise en scène de Ahmed Hamidi
Régie Plateau de Jean-Marc Joomun
Régie Lumière Anne Terrasse
Régie Son Laurent Le Nevez
Habillage Laëtitia Berrou
Avec Patrick Timsit

Du 20 Janvier au 22 février 2015 à 18h30 (relâche les lundis, les 25, 27 et 28 janvier)

Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt Paris 8ème
Métro Champs-Élysées Clémenceau
www.theatredurondpoint.fr

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