ƒ article de Dominika Waszkiewicz

Comment ne pas trépigner d’impatience à la perspective de découvrir un nouveau spectacle de Zingaro ? Nous nous attendons tant à la magie à venir que cette dernière émerge bien avant l’heure de la représentation. Et soudain, nous y voilà, dans ce Fort d’Aubervilliers, lieu à part, saint des saints de l’art équestre, propulsés dans le chatoiement des reliques des créations passées, masques ou costumes, vidéos et photos. Nous attendons le top. Mais, dans cette antichambre intemporelle, le voyage a déjà commencé. Les amarres sont larguées bien avant qu’un monsieur Loyal et son orchestre de clowns blancs ne nous guident vers la salle. Là, dans la cacophonie liminaire, un troupeau déferle sur une piste creusée en son centre, cratère d’un genre bien particulier, œil du cyclope ou sanctuaire d’un culte inédit. Lentement, presque avec mélancolie, des anges glissent vers les montures devenues dociles. Icares déchus tombant du ciel, ils se placent à cru et sortent au galop, les yeux toujours bandés.
Composées en réaction aux évènements de janvier, ces élégies rythmées par l’incomparable voix de Tom Waits, offrent un superbe déploiement de tableaux à la beauté saisissante. Aux scènes chorégraphiées pour les très talentueux écuyers, succèdent des solos de Bartabas, longue silhouette noire aux flamboyants favoris rouges. Épousant symbiotiquement sa monture, il nous entraîne dans un douloureux tango initiatique dont le sens reste mouvant. Hypnotisés par les images, somnambules consentants, nous nous traçons notre propre interprétation. Le chant funèbre s’élève dans une pudeur hermétique et froide, entrecoupée d’interventions burlesques vantant les mérites de l’alléchante marchandise d’un boucher confiseur. Les trouvailles chorégraphiques sont souvent remarquables, comme ce cheval, couché sur le dos, curieux orant prenant le ciel à témoin de ces quatre fers. Ou encore ce poney blanc littéralement propulsé en l’air par le poids des anges qu’il traîne. Les prouesses techniques sont indéniables et l’on ne peut qu’applaudir la multiplicité des talents réunis. C’est un beau spectacle, sans conteste, le résultat d’un travail artistique de qualité. On aurait bien envie de s’y embarquer davantage !

On achève bien les anges – élégies
Conception et mise en scène : Bartabas
Assisté d’Anne Perron
Cavaliers : Bartabas, Nathalie Dongmo, Michaël Gilbert, Noureddine Khalid, Mathias Lyon, Gaëlle Pollantru, Étienne Régnier, Alice Séghier, Arthur Sidoroff, Messaoud Zeggane
Musiciens : François Marillier (direction musicale), Janyves Coïc, Cyrille Lacombe, Yuka Okazaki, William Panza, Paulus
Boucher Confiseur : Riton Carballido
Chevaux : Angelo, Antonete, Arruza, Barock, Belmonte, Bombita, Calacas, Le Caravage, Chicuelo, Conchita-Citron, Conquête, Dominguin, El Cordobes, El Gallo, El Soro, El Viti, Famine, Guerre, Joselito, Le Gréco, Majestic, Manolete, Manzanerès, Misère, Nimeno, Paquiri, Posada, Soutine, Tarzan, Tintoret, Zurbaran, l’âne et la mule
Coiffes et maquillages : Cécile Kretschmar
Création costumes : Laurence Bruley
Directeur technique : Everest Canto de Montserrat
Responsable écuries : Ludovic Sarret
Grooms : Louise L’Hermitte Duval, Clémence Plesse
Palefreniers : Anne Guilloteau, Juliette Pouradier, Séverine Zulberti

Mar – Mer – Ven – Sam : 20h30
Dim : 17h30
(séances exceptionnelles 24 et 31 déc)
Durée du spectacle : 2h sans entracte
Métro : Fort d’Aubervilliers 7 – sortie 1
Par la route : Porte de la Villette – N2 – direction le Bourget – à 2 km du périphérique
www.bartabas.fr

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