Critiques // « Oh ! les beaux jours » de Beckett par Robert Wilson au Théâtre de l’Athénée

« Oh ! les beaux jours » de Beckett par Robert Wilson au Théâtre de l’Athénée

Sep 25, 2010 | Aucun commentaire sur « Oh ! les beaux jours » de Beckett par Robert Wilson au Théâtre de l’Athénée

Critique de David C.

J’aime Monsieur Samuel Beckett

C’est un monde tellement réel qu’il n’a plus rien de reconnaissable. Dans ce monde, une femme, la cinquantaine, nommée Winnie est coincée jusqu’à la taille dans un mamelon rocheux et tranchant. Elle profite pleinement des heures du jour pour chercher et partager son bonheur. Elle est accompagnée de son mari Willie et d’une multitude d’objets qui l’occupent. Winnie parle à celui qui voudra bien l’écouter. Elle aussi écoute, observe, joue, pleure, rit, a peur, prend son temps.

© Luciano Romano

C’est un autre temps

Deux acteurs d’un certain âge, un metteur en scène d’un certain âge. Beckett a 55 ans quand il écrit Oh ! les beaux jours. Le rythme est lent. Mais lent ne rime pas avec ennuyant. Lent rime avec envoûtant. Et c’est un effort à faire pour moi que de s’adapter à cet autre temps. Alors, je me concentre et j’entre dans le monde de Beckett. Robert Wilson, le metteur en scène, ouvre la porte de ce monde avec un immense drap qui subit les effets du vent. Et l’impression que tout apparaît et disparaît, que les choses sont comme des vagues qui ne s’arrêtent jamais et m’envahissent. Tout est dit, dès les premiers instants.

Et la lumière. Elle change constamment,  me donnant l’impression du temps qui passe. Des heures, jours, mois, années ? Ce qui est sûr, c’est que la lumière accélère le temps. Ou le ralentit considérablement. Alors je regrette lorsque soudain une lumière sert à montrer ou à expliquer quelque chose.

Il y a aussi l’entracte. Une heure de spectacle puis c’est l’entracte. Pendant l’entracte je reviens à mon rythme, je parle avec les autres de ce que j’ai aimé ou pas. Puis je vais me rasseoir. Quel dommage de faire une pause pour finir trente petites minutes de spectacle. Surtout qu’il faut se replonger dans ce monde, il faut refaire l’effort. Et si c’était ça le but de l’entracte ?

© Luciano Romano

C’est un autre son

« Les mots vous lâchent, ils est des moments où même eux vous lâchent »

L’actrice Adriana Asti et son fort accent italien me dérange. En bien et en mal. D’une part parce qu’elle ne prononce pas bien certains mots, qu’elle ne met pas l’accent ou il faut et d’autre part parce qu’elle semble le faire exprès, comme si finalement tout ça n’avait pas d’importance. Willie, le mari quant à lui, ne cesse de grommeler, vomir et cracher. Alors les mots sont-ils vraiment le moteur ? Ils sont par contre beaux. « le vieux style » répète Winnie. « formication » crie Willie.

Mais lorsque j’écoute le texte il me parvient une impression joyeuse. C’est de l’amour. Et il me fait rire et avoir peur et avoir pitié. « Oh le beau jour que ça va être encore aujourd’hui ». Alors lorsqu’elle récite des vers, lorsqu’elle chante, lorsqu’elle nous raconte l’histoire de monsieur Cooker, lorsqu’elle demande à son mari « fut-il un temps où je pouvais séduire ? » elle est amoureuse et je me mets à l’aimer pour cela.

C’est donc bien Beckett que vous irez voir. Bien servi, bien présenté. Vous ne verrez pas quelque chose de nouveau. C’est une occasion, donc, de se reconnecter avec ce monde drôle tellement il est triste, ce monde faux tellement il est vrai. C’est un peu de bonheur si on en veut. Et c’est une façon de conclure un jour pour qu’il soit beau !

Oh ! les beaux jours
Texte : Samuel Beckett
Mise en scène et scénographie : Robert Wilson
Avec : Adriana Asti et Giovanni Battista Storti
Costumes et maquillage : Jacques Reynaud
Dramaturgie : Hélène Hammer
Lumières : A.J. Weissbard
Son : Peter Cerone

Du 23 septembre au 9 Octobre 2010

Athénée Théâtre Louis Jouvet
Square de l’Opéra Louis-Jouvet, 7 rue Boudreau, 75 009 Paris
www.athenee-theatre.com

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