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NYST de Mellina Boubetra au Pavillon, Romainville, dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

Juin 14, 2023 | Commentaires fermés sur NYST de Mellina Boubetra au Pavillon, Romainville, dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot

Écrire la danse, la critiQueer, pour citer le précieux livre de Pauline L. Boulba, recèle deuil de l’exactitude et liberté de l’imagination, toutes deux emportées par l’émotion. À sa manière économe et franche, vive, NYST en est la vertigineuse mise en abyme. À même le sol, Julie Compans vient s’asseoir, genoux repliés sous elle, s’empare d’un micro, commence à dérouler le fil d’une description qui ne s’arrêtera plus. Bientôt rejointe par Mellina Boubetra, toute en retenue, comme au seuil d’elle-même, offrant la contredanse de son corps à celle des mots. Deux partitions accolées, juxtaposées, comme fugues et contrepoints. S’entremêlant, sans que l’on puisse savoir ce qui est prémices, ce qui est répons, bien plutôt je les perçois comme deux lianes s’enroulant l’une sur l’autre, s’affectant mutuellement, cernant, sculptant, un invisible tronc. La déliaison des articulations souples de la danseuse irise la légère déraison d’une description qui ne peut s’approcher qu’en s’écartant, pour mieux contourner et détourer, mots de travers comme un pas de côté, suintant la fiction, l’émotion comme un trop-plein et un tremplin, qui ne peut offrir un détail qu’au prix de l’infini qu’il faut taire. NYST est ce partage du sensible, coïncidence et écartèlement à la fois, recoupement et découpe, des mots et des mouvements.

« Les genoux s’entrechoquent comme des volets qui claquent ». Travail de Sisyphe, filet troué des mots qu’il faut sans cesse relancer pour tenter de capturer un geste en fuite. Poésie de l’indiscernable, de l’échappement.

La voix élargie par l’amplification sonore apparaît comme un corps plus grand, invisible, et contrebalance le corps bien présent, virtuose, de la danseuse. La voix est un muscle, une peau, elle se tend, se distend, c’est une caresse de l’âme quand les yeux n’en ont que pour le corps de la danseuse qui se déploie, la voix avance, se précipite, s’arrête, se reprend, comme le ressac des vagues, à l’écoute de la danse. La voix embrasse l’autre, elle porte cet autre corps comme un porté de danse classique. L’intimité éclot de l’échange entre gestes qui osent montrer et mots qui osent dire.

Intériorité et extériorité, comme l’entendre et le voir, deviennent interchangeables, se confondent, sans que l’une ne prévale sur l’autre. Assister à NYST relève de l’expérience paranormale, procure une sensation comparable à celle, assez rare il faut bien reconnaître, d’être à la fois dans son corps et de le percevoir à côté de soi, sous nos yeux. Julie Compans et Mellina Boubetra produisent cette créature hybride, œuvre non identifiée, qui n’existe que dans les cerveaux de ceux qui y assistent, reformant des parties séparées l’insaisissable tout. L’impression troublante d’être dans un roman de Don de Lillo, où la perception même devient l’enjeu et le moteur de la forme narrative. Dans le monde de NYST, la relation des faits et gestes déborde vers la prédiction, la fiction, l’hallucination ; la flèche du temps semble avoir perdu sa boussole, la description a valeur d’oracle, le geste est annonciateur des mots à moins qu’il ne les lise, le passé est un futur antérieur exprimé dans le présent. Notre tête est battue par tous ces vents tandis que celle de la danseuse finit par s’agiter comme un fanal, battue en brèche, secouée en tous sens, ne sachant plus où donner de la tête, l’accélération faisant apparaître sur son visage flouté un regard composé de milliers d’yeux, nous sidérant comme celui de la méduse.

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

NYST, chorégraphie et interprétation de Mellina Boubetra

Texte : Julie Compans, Mellina Boubetra

Compostion musicale : Patrick De Oliveira, Mellina et Liamine Boubetra

 

Durée : 25 minutes

Le 6 et 7 juin à 20 h

 

Le Pavillon

28, avenue Paul-Vaillant-Couturier, Romainville

Tél : 01 49 15 56 53

www.ville-romainville.fr

 

Dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

www.rencontreschoregraphiques.com

 

 

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