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Nous Souviendrons Nous, conception et jeu Cédric Leproust

Fév 27, 2015 | Commentaires fermés sur Nous Souviendrons Nous, conception et jeu Cédric Leproust

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

 

© Nicolas Di Meo

© Nicolas Di Meo

 

Interroger sa vie, sa part intime, à l’aune de la/sa mort. Porter le souvenir des êtres qui nous traversèrent et qui quelque peu nous façonnèrent. Nous sommes les porteurs d’une mémoire, d’une histoire. Qui nous précéda, hante notre présent, nous survivra peut-être. Quarante minutes d’une performance hallucinée. Cédric Leproust interroge le lien ténu qui relie le vivant au mort. Comment le souvenir, même inconscient, s’immisce dans notre présent, comment notre héritage s’incarne au plus profond ne nous et ne nous lâche plus. Cela commence aux abords de la salle où Cédric Leproust surgit avec un vieux jouet d’enfant. Kiki, un chien en bois sur roulette, ridicule et touchant. Celui-ci, explique-t-il, lui a été offert par son parrain, mort peu de temps après. Mais ce jouet ne l’a jamais quitté. Alors à chacun d’entre nous il demande d’inscrire sur son torse nu un nom, une personne disparue, et un souvenir lié à celui-ci. Et c’est ainsi que porteur de nos souvenirs précieux il entre dans la salle. Disparaît. Revient, nu, couvert d’une matière visqueuse, liquide sémiotique, qu’éblouis au début par les projecteurs nous devinons à peine. C’est d’une voix sépulcrale et habitée, scansion fracassée, qu’il se lance dans un long monologue. C’est un torrent poétique poignant, désespéré. Une prose incantatoire épaisse et lourde comme cette couche de matière qui le recouvre et s’égoutte lentement sur le sol. Bientôt en pleine lumière, recouvert de terre, d’humus, gisant au sol, homme de glaise fragile et épuisé, Cédric Leproust agonise ses fantômes qui le hantent. Et les nôtres de surcroît. Et l’on se dit bientôt que cela suffit, cela commence à être de trop. Trop de tout. La charge est lourde, presque pesante, le malaise est là, palpable. Et puis voilà qu’intervient Kiki et que toute l’intelligence, la maîtrise de Cédric Leproust se révèle. Il serait dommageable de dévoiler cette fin au goût de l’enfance, lumineuse, inattendue et drôle. Qui renverse soudain la perspective de cette performance, lui offre une conclusion originale et décale l’enjeu de cette action tonique. Apporte une formidable respiration bienvenue après ce début pour le moins anxiogène. Bientôt nos souvenirs tatoués de feutre à même sa peau sont énoncés, récités. Et c’est nous qui sommes ainsi projetés sur le plateau, ce sont nos souvenirs, nos fantômes qui habitèrent le temps de cette performance le corps de Cédric Leproust. L’enjeu se situe sans doute là précisément, dans ce transfert, cet acte d’envoûtement, de chamanisme laïc. Qu’importe alors ce qui fut dit, c’est cet acte d’appropriation et de projection qui importe. Et les traces prégnantes laissées. Les mêmes que celles sur le sol du plateau qui montrent que quelque chose s’est passé là d’importance qui a laissé son empreinte, bientôt effacée, et dont le souvenir même diffus demeure. Les mêmes traces, les mêmes lambeaux que nos souvenirs d’enfance…

 

Nous Souviendrons Nous
Conception et jeu Cédric Leproust
Assistant mise en scène Yoan Masson
Collaboration Antoinette Rychner, Fabrice Gorgerat, Elie Grappe,
Scénographie et lumière Yan Juillerat

26/27/28 février 2015, 20h

Centre Culturel Suisse
38, rue des Francs Bourgeois – 75003 Paris
Réservation : 01 42 17 44 50 reservation@ccsparis.com
www.ccsparis.com

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