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« Not here/not ever », de Sang Jijia, Théâtre National de Chaillot

Mar 28, 2015 | Commentaires fermés sur « Not here/not ever », de Sang Jijia, Théâtre National de Chaillot

ƒƒ article de Florent Mirandole

 

photo: Yaniv Cohen

photo: Yaniv Cohen

 

Le temps s’est couvert sur le théâtre de Chaillot. Dans un décor pâle, presque blême, une vingtaine de danseurs s’élancent sur une scène à la lumière cotonneuse. Ce sera la seule allusion à l’origine de la compagnie Carte Blanche, arrivée de Norvège, tant le chorégraphe, le chinois Sang Jijia, imprime de bout en bout sa marque dans « Not here/not ever ». Il serait facile de parler de ses origines tibétaines, des influences de William Forsyth avec qui il a travaillé, ou de son rôle pionnier dans la danse contemporaine chinoise. Pourtant la cohérence et la singularité de la pièce n’incitent pas à aller rechercher ailleurs l’inspiration du chorégraphe. Chaque geste est intime, chaque enchainement est inattendu. L’écriture de Sang Jijia est unique.

Ce sont les scènes où les personnages sont pris à part ou en petits groupes qui sont les plus expressives, car l’écriture délicate du chorégraphe trouve sa pleine expression dans les mouvements intimes de chaque danseur. Ainsi ces mains qui soutiennent ou appuient les visages comme pour reposer le visage ou aider à distinguer l’horizon. La force de la chorégraphie s’explique aussi par le sujet de la pièce, notre appréhension face à la conséquence de nos actes. Et plus que tout, notre appréhension devant une rencontre nouvelle. Cette trame donne l’occasion au chorégraphe de multiplier les duos et les trios, parfois amoureux, et de varier les issues possibles.

Il faut reconnaître que la compréhension de ces scènes n’est pas toujours limpide. La chorégraphe n’hésite d’ailleurs pas à brouiller le message. C’est le cas avec la diffusion de vidéos au-dessus des chorégraphies, où les mouvements sont reproduits au ralenti, voire complètement brouillés comme sur une photo dont l’objectif serait resté ouvert trop longtemps. Les corps des danseuses s’étirent alors sur plusieurs mètres, les transformant alors en spectres dansants.

On croit toutefois percer la pensée intime du chorégraphe à force de voir les trios se répéter. Si les scènes de groupes sont l’occasion de rencontres et d’échanges de partenaires, les trios solitaires, plus proches du format du couple, sont souvent l’occasion de conflits et de tentatives de fuite. En perpétuelle hésitation, constamment rattrapés dans leur désir de fuite, ces hommes et ces femmes semblent d’abord prisonniers de leurs actes.

Malgré les lumières contrastées qui illuminent à plusieurs reprises la scène, « Not here/not ever » se révèle une pièce plutôt sombre, mettant en scène davantage l’hésitation des hommes plutôt que leur enthousiasme et leur engagement. C’est toutefois sur un pas-de-deux magnifique que s’achève la pièce. Comme suspendue en l’air, une danseuse perchée sur des épaules redescend lentement le long du dos de son partenaire, dans un geste que l’on veut croire tendre.

 

Not here/not ever
Chorégraphie Sang Jijia
Musique Dickson Dee
Costumes Indrani Balgobin
Lumières Adalsteinn « Alli » Stefansson
Vidéo Adrian Yeung

Avec Caroline Eckly, Jennifer Dubreuil Houthermann, Christine Kjellberg, Núria Navarra Vilasaló, Sara Enrich Bertran, Mathias Stoltenberg, Timothy Bartlett, Hugo Marmelada, Edhem Jesenković, Jack Lorentzen

Du 25 au 28 mars 2015

Théâtre National de Chaillot
1, place du Trocadéro – 75016 Paris
Métro Trocadéro
Réservations : 01 53 65 30 00
www.theatre-chaillot.fr

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