© Christophe Raynaud de Lage
ƒƒ article de Sylvie Boursier
Les mille et une nuits de Marlene Monteiro Freitas ? Une nuit des longs couteaux, proche de Freaks, film génial de Tod Browning sur le quotidien hors-piste d’artistes de cirque déformés, on est loin des lampes magiques, tapis volants, vizirs, califes et femmes lascives autour d’une fontaine… C’est une nuit des morts vivants dans la cour d’honneur, où le mal court, au sens propre et figuré et les pauvres Shéhérazade en sont réduites à agiter leurs moignons de chiffons.
Les interprètes aux torses ceints de blouses noires et de tabliers blancs affutent leurs lames, saisis de gestes mécaniques, condamnés à la répétition infinie de rituels macabres. On n’oubliera jamais la performeuse sans jambes qui balancent ses prothèses de tissu sur une petite chaise de poupée. Son solo d’anthologie nous laisse exsangue, au son des Noces de Stravinsky, voile sur la tête et les yeux écarquillés sous son masque jusqu’à ce qu’elle dévoile son entrejambe ensanglanté, preuve de la consommation du mariage. Nous sommes plongés dans l’effroi, avec ces figurines mécaniques qui se déhanchent au rythme des tambours, des sifflets, des couverts d’acier, leurs grandes bouches béantes sur des corps de pygmées. Un eunuque en jupette déambule sur une gigue jazzy (très belle chorégraphie !) tandis qu’une sorte de bébé dictateur coprophage soulage ses tripes et offre ses précieux étrons aux spectateurs un peu surpris. L’image du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un nous a traversé l’esprit à ce moment-là, allez savoir pourquoi.
Ces artistes sont prodigieux et l’on se demande comment Marlène Monteiro Freitas a pu obtenir d’eux ce qu’ils donnent cette nuit-là. L’ensemble a des longueurs, certaines figures restent hermétiques et la profondeur de la cour n’est pas utilisée, mais ce n’est pas l’essentiel après tout. On retient l’incroyable liberté d’un geste artistique engagé qui ne peut pas plaire à tout le monde, à mi-chemin entre le candomblé brésilien et un opéra rock funéraire, bref, la cour des miracles porte bien son nom.
© Christophe Raynaud de Lage
Nôt, chorégraphie de Marlene Monteiro Freitas
Scénographie : Yannick Fouassier et Marlène Monteiro Freitas
Lumière : Yannick Fouassier
Son : Rui Antunes
Avec : Marie Albert, Joaozinho de Costa, Miguel Filipe, Ben Green, Henri « Cookie » Lesguillier, Tomas Moital, Rui Paixao et Mariana Tembe
Les 5, 6, 8, 9, 10 et 11 juillet à 22h
Durée : 1h45
Festival d’Avignon In
Cour d’honneur du palais des Papes
Réservations : 04 90 14 14 14
https://festival-avignon.com/fr/billetterie
Tournée :
14 et 15 août 2025 : Berliner Festpiele Berlin
28 et 29 août 2025 : La Bâtie, Genève
11 au 14 septembre 2025 : Culturgest, Lisbonne
19 et 20 septembre : Rivoli, Porto
6 au 8 février : Onassis Stegi, Athènes
20 et 21 février 2026 : PACT Zollverein Essen
4 et 5 mars 2026 : Le Quartz, Brest
25 au 28 mars 2026 et 14 au 17 mai 2026 : Parc de la Villette, Paris
22 et 23 avril 2026 : La Comédie, Clermont-Ferrand
28 et 29 avril 2026 : MC2, Grenoble
6 et 7 mai 2026 : Maison de la Danse, Lyon
14 au 17 mai 2026 : Kunstenfestivaldesarts, Bruxelles
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