© Simon Gosselin
ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette
Nom. Au début, des phrases apparaissent tout au fond de la scène nue, le texte de ce que nous sommes venus voir s’étale sur le mur en face de nous. Présentation pas très bouleversante, pas très originale, même si ce texte montre un rien sa force, déjà. Que va donner le reste ? Le reste nous scotche, nous attaque, nous éblouit. Pendant un peu plus d’une heure, nous allons avoir face à nous, tout près, Victoria Quesnel, comédienne formidable, puissante. Sur cette petite scène vide, sombre, comme rugueuse, Victoria Quesnel va se transformer, rayonner. Oui, elle n’existe plus pour un moment, elle reviendra ensuite, sous les applaudissements, c’est promis. Pour l’instant, elle est ici ou là, à deux doigts de nous faire peur ou pleurer, avec toute cette violence cinglante, désespérée, qui déborde. Nom, être Constance, la fille de, et nous expliquer tout, avec des histoires qui se mêlent, résonnent, des histoires fortes ou non, des questions, le tout terminant par choisir un cri, devenant presque permanent, pour « sortir ». Le cri d’une femme paumée qui tente de nous expliquer comment, pourquoi. Et une comédienne, une femme qui y parvient. Plus que bien même.
Constance perd son père, oui, ce n’est pas la première, elle le sait, a presque envie de nous dire qu’elle s’en fout, qu’elle n’est pas spécialement proche de cet homme, et puis qu’elle le comprend, et puis la lumière de la chambre, l’hôpital…
Constance ne veut pas être une femme comme les autres, pas comme sa sœur, par exemple, sa sœur parfaite, sa sœur pleine d’enfants propres et rangés, sa sœur qui pleure comme il faut quand il faut, de loin. Constance n’a pas les mêmes envies, pas les mêmes désirs, si elle en a, c’est quoi un désir au juste ? Ça fait mal ou non ? Faut-il être comme toutes les femmes ? « Toutes les femmes » veut-il dire quelque chose ? Et même ferait-elle semblant de le vouloir, elle n’y parviendrait pas. Son père est mourant, son père est à l’hôpital et elle doit tenter de savoir faire quelque chose, mais quoi, après toutes ces années ? S’approcher ? Comment ? Pourquoi, une fois de plus ? La mort du père, la lenteur de la mort du père qui aurait mieux fait d’avoir une crise cardiaque plutôt qu’un cancer, il serait parti plus vite.
Constance est avocate, on pourrait baisser les yeux, applaudir déjà, mais apparemment la réussite n’est pas là, le fric ne semble pas déborder, mauvais début ? Pas facile ? Curieux dans une famille comme celle-ci, les Debré. Les vrais de vrais. Cette femme veut expliquer qui elle est, comment elle fonctionne. Plus rapide ici, lente là, se foutant de ce qui nous semble parfois primordial, ou, tout bête. Les fringues, tiens, rangés dans deux sacs et tout ce qui dépasse, poubelle ! C’est pour tout pareil. On jette, pour ne pas réfléchir.
La fin serait bonne à un moment où le fort est sublime, mais du calme revient, puis même rythme, répétition. Pas grave, cela « re » montre pourquoi tout explose, montre ce qu’est un nom, avec parfois sa puissance et ses revers. Nom est à voir, à lire, les deux. Quelle chance dans cette petite salle où nous sommes heureux d’être les uns contre les autres, nous protégeant un peu de cette furie exceptionnelle. Nous avons peur, elle non. Elle sait vivre, mourir, tenter, tomber, toucher, partir, revenir et recevoir, elle ne sait pas ce qu’elle veut, elle découvre et sort tout d’elle-même. Vérité, pâleur, mort.
© Simon Gosselin
Nom, adapté du roman de Constance Debré
Mise en scène : Hugues Jourdain
Création lumières : Coralie Pacreau
Création sonore : Hippolyte Leblanc
Création musicale : Samuel Hecker
Avec Victoria Quesnel
Texte paru en février 2022, aux éditions Flammarion
Du 19 mars au 6 avril 2024
Du mardi au vendredi à 20h
Samedi à 19h et relâche les lundis et les dimanches
Durée estimée 1h15
Salle Roland Topor
Théâtre du Rond-Point
2bis, avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Réservations 01 44 95 98 21
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