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Monsieur Proust, d’après les entretiens de Céleste Albaret, mise en scène d’Ivan Morane, au Théâtre du Lucernaire

Nov 09, 2022 | Commentaires fermés sur Monsieur Proust, d’après les entretiens de Céleste Albaret, mise en scène d’Ivan Morane, au Théâtre du Lucernaire

 

 

© Laurencine Lot

 

ƒƒ article de Denis Sanglard

Le temps suspendu. Il y a 100 ans mourrait Marcel Proust. A son chevet, celle qui fut à son service les huit dernières années de sa vie, Céleste Albaret. Céleste dont Proust avait prévu combien elle serait sollicitée après sa mort, se murât dans le silence jusqu’en 1973, acceptant à 82 ans un entretien avec le journaliste Georges Belmont. De ces entretiens et du livre qui en sortit, Monsieur Proust (Ed. Robert Laffont), Ivan Morane a fait matière pour cette création qui n’est pas tant un portrait de Proust que de Céleste elle-même. C’est son portrait à elle, cette femme de l’ombre, admirative de son patron, ayant un sens du récit inégalé, qui est mis en lumière. De la jeune paysanne épousant Odilon Albaret, chauffeur de taxi et quelque fois de Marcel Proust, entrant au service d’un homme malade, à celle qui se dévoua toute entière pour celui qu’elle considérait parfois comme son fils, c’est un monde singulier qu’elle traversât, croisant Fauré, Gallimard, Gide (qu’elle surnommait le faux-moine)… une société également en agonie qui, avec la mort de l’écrivain, disparut avec lui. Portrait tout en nuance d’une femme qui découvrait, observait et se taisait, ne dialoguant qu’avec « Monsieur Proust ». C’est dans cette relation privilégié avec cet écrivain, qu’elle mettait au centre de tout, que nous découvrons le portrait de Céleste qui, loin d’être compassée, était drôle, généreuse, sensible et intelligente. Mutique et réservée, entrée un peu par hasard dans l’appartement du boulevard Hausmann, bientôt établie gouvernante en ces lieux, entre ces deux-là, ces deux mondes si distincts, un dialogue ininterrompu fait de curiosité mutuelle, d’une certaine complicité se nouât. Racontant Proust c’est elle même qu’elle raconte, dans ce rapport exceptionnel avec un écrivain attelé jusqu’à sa mort au roman d’une vie. Céline Samie s’empare de ce personnage avec le talent et la générosité qu’on lui connait, pour qui la découvrit à la Comédie-Française dont elle fut sociétaire. Ce sont toutes les facettes d’un personnage éminemment théâtral qu’elle déploie, de la jeune femme naïve et enthousiaste, empressée, à la gouvernante éblouie mais lucide et respectueuse, de l’observatrice ironique des faux-semblants du monde littéraire à la lectrice émue des Trois mousquetaires… Du premier croissant apporté dans une chambre enfumée des fumigations d’un asthmatique, son premier contact avec Marcel Proust, à l’agonie de ce dernier dont elle fut le témoin bouleversé, c’est huit années suspendues d’une vie traversée avec curiosité, compréhension et compassion, récit d’un apprentissage que Céline Samie restitue avec une belle sensibilité. Assise sur cette simple chaise de paille posée là, sur un plateau nu que découpe la lumière, c’est plus qu’un monde englouti et plus que Proust sacralisé qu’elle fait revivre à travers les yeux de cette « chère Céleste », c’est Céleste elle-même qu’elle révèle et sort de l’ombre.

 

© Laurencine Lot

 

Monsieur Proust d’après les entretiens de Céleste Albaret avec Georges Belmont

Adaptation et mise en scène : Ivan Morane

Avec : Céline Samie

 

Du 12 octobre au 27 novembre 2022 à 19 h

Du mardi au samedi, dimanche à 15 h 30

 

 

Théâtre du Lucernaire

53 rue Notre Dame-des-Champs

75006 Paris

 

Réservations : 01 45 44 57 34

www.lucernaire.fr

 

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