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Mon père, de Christophe Honoré, mis en scène par Thomas Quillardet, Le Monfort Théâtre

Juin 19, 2021 | Commentaires fermés sur Mon père, de Christophe Honoré, mis en scène par Thomas Quillardet, Le Monfort Théâtre

 

© Matthieu Edet

 

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

Mon père, de Christophe Honoré, a été publié en 2017 et Thomas Quillardet a été séduit immédiatement par ce livre s’avançant sur un fil tendu, entre enquête douloureuse, savoir qui dépose des petits mots, des photos souhaitant plus qu’inquiéter un homme qui, en plus d’être homosexuel, est papa, rendez-vous compte, la fin du monde ! Et puis des souvenirs, des échos sur l’homosexualité toute simple qui débarque chez un ado breton, qui sait embrasser, qui écrit très bien et s’appelle Christophe, flottant dans une famille n’envisageant pas deux garçons être heureux ensemble. Il y a aussi l’éducation d’une gamine de 10 ans, avec la maman-amie, les amants, l’ex, etc.

Dans son livre, Christophe Honoré parlait aussi de son travail, qui est juste évoqué ici, il développait ici ou là des éléments qui n’ont pas été repris par Thomas Quillardet, qui a réussi à « découper » pour que Mon père puisse conserver tout son esprit en une heure et demie… Il ne s’agit pas de coupes sombres et indélicates mais d’une manière efficace de brandir sans trop faire de bruit, où juste quand il le faut, l’homosexualité, les parents, la famille, le sexe, les gamins, l’homophobie, la solitude pourquoi pas.

On est invité dans ce spectacle et même en entrant au théâtre on se retrouve sur scène. Un beau carré l’entoure, de la moquette verte assourdit le bruit de nos pas et se fait confortable, tout est doux et silencieux. Deux rangs de marches vertes et sympathiques, deux ou trois de chaises toutes bêtes, et ce carré devient presque un « cirque », version romaine, nous sommes tous proches de tout. Nous verrons tout, facilement, chacun notre tour. Le silence se fait et Thomas Blanchard, ce Christophe sur la scène, commence cette longue histoire. Sa fille de dix ans part à la boulangerie un matin, et trouve punaisé sur la porte d’entrée, sur une feuille bien pliée et découpée, un sale petit mot, une vilaine contrepèterie qui lance l’affaire, les souvenirs, les questions :  « Guerre et Paix : contrepèterie douteuse ».

Un gay peut-il être père, sur quelles fondations doit être construite et s’élever une famille ? C’est quoi un papa ? Et s’il aime les garçons ça fonctionne comment ? Christophe / Thomas Blanchard nous raconte tout ça, de temps en temps Christophe a 16 ans et fait une petite fugue vers Le Conquet, ou alors est plus âgé et drague, voire plus si affinités, enfin il a « son » âge, le même que Thomas Quillardet, une quarantaine avancée. Parfois il est sa fille de dix ans. Ça fonctionne. Il nous parle, les questions volent, les réponses se posent doucement. Les autres personnages sont assis parmi nous, sur les marches vertes, et le rejoignent de temps en temps pour parfaire les illustrations de ces quasis conversations. Tout est simple, calme, une engueulade ici ou là, des cris, des éclats de rire. Des vignettes sur ce que retrace pour nous Christophe / Thomas. On se laisse prendre à ce jeu. On se balade, on monte dans une R5 invisible, ados, on est face à des messages anonymes bien désagréables. Bref, on se retrouve dans Mon père on tourne et on saute des pages. La mère, la sœur, les copains, l’ex ne nous entraînent pas tous, tout le temps. On se souvient parfois que l’on est dans le 15e et qu’il va pleuvoir, on sait qu’il fait chaud. Une petite scène entre ados très bien occupés, drague nocturne, se passe dans le noir, complètement. Les voix sont basses, presque inaudibles, presque dépourvues de la folie jubilatoire que peut entraîner de tels instants. Oui, on a compris, c’est la nuit, on ne voit rien, ils se cachent, garçons et filles, c’est la nuit, la nuit, la nuit. L’envie de leur lancer des lampes torches apparaît. Des moments forts, innocents, très beaux et une légère déception de ne pas pouvoir les saisir autrement.

Mon père : il faut relire le livre et applaudir le travail de Thomas Quillardet, toutes les questions de Christophe nous rappellent beaucoup de choses, peut-être plus Barbara et Luzarches, ici ou là, mais, les mains avancées, les tremblements, la peur et les doutes, oui parfois nous avons eu ou nous  aurons les mêmes ou presque. Polar douloureux, journal invisible feuilleté comme ça, devant nous, pour nous tout autour, comme ça.

 

© Matthieu Edet

 

Mon père, d’après le roman de Christophe Honoré
Adaptation et mise en scène Thomas Quillardet

Avec Thomas Blanchard, Claire Catherine, Morgane el Ayoubi, Josué Ndofusu et Étienne Toqué

Assistante à la mise en scène : Titiane Barthel
Scénographie : Lisa Navarro
Costumes : Marie La Rocca
Régie générale : Titouan Lechevalier
Lumières : Lauriane Duvignaud

 

 

Du 17 au 28 juin 2021 à 20 h 30

(relâches les 20 et 27 juin)
Grande salle, durée 1 h 35

Audiodescription et visite tactile le 18 juin à 20 h 30
(avec Accès Culture et le soutien de la Ville de Paris et du Festival d’Automne à Paris)

 

 

Le Monfort Théâtre

106 rue Brancion

75015 Paris

T+ 01 56 08 33 88

www.lemonfort.fr

Réservations : publics@lemonfort.fr ou T+01 56 08 33 46

 

 

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