© Nicolas Boudier
ƒƒƒ article d’Isabelle Blanchard
Dans le cadre de la cinquième édition du Festival festival Spot#5 dédié aux équipes et aux formes nouvelles, Joris Mathieu utilise les nouvelles technologies dans des pièces à destination des jeunes. Ainsi, avec Hikikomori – Le Refuge, il nous avait présenté, en 2016, grâce à un dispositif immersif (un casque restituant la version d’un adulte, d’un enfant et d’un adolescent) trois versions d’une même histoire, celle d’un mal être d’adolescent. Dans Moi, les Mammouths, il nous propose un roman de Manuela Draeger. Un premier mystère débute car il semblerait que cette auteure fait partie du collectif d’auteurs imaginaires créé par Antoine Volodine….
L’écriture de Manuela Draeger est pour moi une découverte, une très agréable découverte, car elle déroule un monde étrange et fascinant entre futur apocalyptique et rêve éveillé. Sa langue est fluide, douce. Cette littérature pour adolescent est politique, comme souvent la littérature d’anticipation, mais aussi tendre. Elle fait parler des enfants sans jamais les infantiliser. Sa poésie nous embarque dans un monde à part. Elle joue avec les mots, les sonorités et c’est superbe. L’ironie est aussi souvent présente pour notre plus grand plaisir.
Voici donc l’histoire d’un enfant, Bobby Potemkine, qui est amené à résoudre un mystère étonnant : l’arrivée de mammouths dans son monde qui semble un monde post-apocalyptique. Ces animaux revenus d’un temps bien passé compressent la directrice de la maison du peuple en un petit bloc de glace. Nous ne sommes jamais sûrs de rien car nous sommes bringuebalés entre réalité et rêve, rêve qui s’apparente de plus en plus à un cauchemar. Au plateau nous nous trouvons face à la reconstitution d’un poste de police.
Grâce à l’interprétation de Maud Peyrache, formidable et qui, tour à tour, incarne Bobby, nous restitue ses pensées et prend la voix d’un narrateur omniscient, nous sommes happés par cette histoire étrange et fascinante. Le monde sonore de Nicolas Thévenet, qui accompagne la pièce, est très réussi et contribue largement à distiller une atmosphère mystérieuse.
L’utilisation des lumières est incroyable. Lumière frontale, flash, lampe de bureau, tout crée une ambiance étrange et effrayante. Le metteur en scène utilise aussi une lumière phosphorescente qui suggère un autre monde bien inquiétant. Ces lumières modifient la perspective et les sentiments que nous avons des objets et des gens du quotidien. Ainsi un verre devient bloc de glace, le visage de l’actrice devient inquiétant et grimaçant, un manteau devient un mammouth.
C’est un bijou technique, de maîtrise, tout semble calculé au millimètre près, à la seconde près. Toutefois ce n’est pas désincarné car grâce à la présence solaire de l’actrice, à la musique et aux mots tendres et ironiques de l’auteure, ce n’est jamais froid, bien au contraire.
Cette pièce est conseillée aux plus de 11 ans. Le spectacle va être joué dans des collèges et je me dis que les collégiens sont bien chanceux !
© Nicolas Boudier
Moi, les mammouths, adaptation scénique et musicale de Manuela Draeger, (Éditions l’École des Loisirs)
Mise en scène Joris Mathieu
Avec Maud Peyrache
Espace scénique Nicolas Boudier, Joris Mathieu
Composition musicale Nicolas Thévenet
Création lumière Nicolas Boudier
Costumes et masque Marion Talotti
Lundi 1er et mardi 2 octobre 2018 à 19h00
Théâtre Paris-Villette – Établissement culturel de la Ville de Paris
Salle blanche
211 avenue Jean Jaurès
75019 Paris
Réservation 01 40 03 72 23 ou resa@theatre-paris-villette.fr
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