À l'affiche, Critiques // Mithridate, de Mozart dirigé par Emmanuelle Haïm et mise en scène de Clément Hervieu-Léger

Mithridate, de Mozart dirigé par Emmanuelle Haïm et mise en scène de Clément Hervieu-Léger

Fév 17, 2016 | Commentaires fermés sur Mithridate, de Mozart dirigé par Emmanuelle Haïm et mise en scène de Clément Hervieu-Léger

ƒƒ article d’Ulysse Di Gregorio

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© Bernard Martinez / DG

Afin d’éprouver la fidélité de ses deux fils – Farnace et Sifare –Mitridate, roi du Pont, se fait passer pour mort. En son absence, avide de pouvoir, Farnace annonce à Aspasia, la fiancée de Mitridate, qu’il souhaite se marier sans tarder avec elle. Sifare est lui aussi éperdument amoureux de la jeune femme, mais loyal envers son père il est plus que jamais le rival de son frère aîné. Alors que Sifare promet à Aspasia la protection qu’elle lui demande pour la tenir hors de portée des avances de Farnace, la nouvelle du retour inattendu de Mitridate leur parvient. Celui-ci est de retour avec Ismene, princesse parthe, et ordonne à Farnace de la prendre pour épouse. Le refus de Farnace, signe de son amour pour Aspasia, provoque la colère du père qui découvre la trahison dont il est l’objet. Farnace – d’autant plus jaloux de Sifare que celui-ci refuse de s’unir avec lui pour renverser leur père – dénonce alors à son tour l’amour que son frère éprouve pour Aspasia. Se sentant trahi de tous côtés, Mitridate impose la mort aux deux amants. Cependant, les Romains attaquent le royaume du Pont et Mitridate se trouve gravement blessé dans le combat. Contre toute attente, la victoire est pour Mitridate, et ce grâce à Farnace qui, en lutte avec sa conscience, finit par combattre pour son père. La mort imminente de Mitridate lui laisse le temps de pardonner à ses deux fils : il donne Aspasia pour femme à Sifare, et reconsidère Farnace comme son fils.

La mise en scène de Clément Hervieu-Léger, assisté d’Eric Ruf pour la scénographie, se révèle dès le lever du rideau être une mise en abyme de la représentation. La scène présente un théâtre en décrépitude avec sa scène, son orchestre et ses balcons, et durant l’ouverture nous assistons au réveil des chanteurs-comédiens qui habitent le théâtre. Cela permet ainsi d’assumer la féminité de certains personnages masculins interprétés nécessairement par des femmes, pour ne citer que le personnage de Sifare interprété avec brio par la soprano Myrto Papatanasiu. Néanmoins, ce systématisme de la mise en abyme contraint les possibilités d’interprétation et risque parfois de nuire à la puissance dramatique de l’œuvre. L’imaginaire du spectateur se trouve sans cesse arrêté dans sa tentative de transposer l’action dans le lieu et le temps où elle se déroule. Si l’on se fait tout de même à cette mise en abyme, la scénographie d’Eric Ruf offre de multiples espaces de jeu dans toutes les dimensions, qui ne sont toutefois pas pleinement exploités par la mise en scène. La présence des figurants est également assez énigmatique : ils ne parviennent que difficilement à trouver leur place et sont laissés à l’état de commentaires au niveau dramaturgique. La richesse de la composition de Mozart, qui propose de nombreuses possibilités d’interprétation, n’est pas toujours mise en valeur par la mise en scène qui semble plus s’appuyer sur le texte que sur la partition.

Les chanteurs qu’a réunis Emmanuelle Haïm forment un ensemble convaincant ; la jeune soprano Sabine Devieihle incarne avec une fragilité bouleversante le rôle d’Ismene et joue à merveille de ses suraigus, attaqués pianissimo, qui vous transpercent le cœur. Patricia Petibon est une Aspasia tourmentée, et nous dévoile pleinement la profondeur de son jeu et de sa voix dans la cavatine « Pallid’ombre ». L’éclairage centré sur la chanteuse nous fait oublier le décor, et l’absence d’effets nous permet de profiter tout à fait de l’étoffe de son interprétation. On relèvera également la très belle présence de Myrto Papatanasiu dans le rôle de Sifare : cette soprano à la couleur vocale plus sombre que les deux précédentes donne véritablement corps au personnage masculin. Quant à Michael Spyres – Mitridate, dont les airs présentent une très grande difficulté technique –, il nous donne à entendre le déchirement intérieur d’un homme trahi de toutes parts.

Mithridate
De Wolfgang Amadeus Mozart
Livret Vittorio Amedeo Cigna-Sante
Direction Emmanuelle Haïm
Mise en scène Clément Hervieu-Léger, de la Comédie-Française
Dramaturgie Frédérique Plain
Décors Eric Ruf
Costumes Caroline de Vivaise
Lumières Bertrand Couderc

Avec Jaël Azzaretti, Sabine Devieilhe, Cyrille Dubois, Christophe Dumaux,
Myrtò Papatanasiu Xipharès, Patricia Petibon, Michael Spyres

Le Concert d’Astrée
Du 11 février au 20 février 2016 à 19h30

Théâtre des Champs Elysées
15, Avenue Montaigne – 75008 Paris
réservations 01 49 52 50 50
www.theatrechampselysees.fr/

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