À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Miramar, chorégraphie de Christian Rizzo, au 104 / Festival Séquence Dance

Miramar, chorégraphie de Christian Rizzo, au 104 / Festival Séquence Dance

Avr 13, 2022 | Commentaires fermés sur Miramar, chorégraphie de Christian Rizzo, au 104 / Festival Séquence Dance

 

© Marc Domage

 

ƒƒ article de Denis Sanglard

Il est des créations étranges, lesquelles, malgré leurs intentions premières, semblent rattraper par une réalité, une toujours actualité. Ainsi en est-il de Miramar, « regarder la mer », chorégraphie de Christian Rizzo. L’appel de la mer, l’invitation au voyage, la mélancolie, la méditation devant l’horizon… écouter le flux et le reflux, épouser ce rythme, ce ressac entêtant des marées. Voilà, à entendre Christian Rizzo, l’intention première de cette création. Seulement, devant ces corps en attente, toujours de dos, tendu vers le lointain, en quête d’un possible ailleurs et devant ces corps soudains échoués, terrifiante et bouleversante laisse-de-mer, comment ne pas penser au drame des migrants ? Cette pensée qui vous saisit au long de cette pièce balaye très vite l’idée même de douceur évoquée, de rêverie. Et de songer à cette réplique dans Quai des brumes de Marcel Carné, scénario de Jacques Prévert : « Je peins malgré moi les choses cachées derrière les choses ! Un nageur, pour moi, c’est déjà un noyé ». Ainsi, devant ce danseur en T-Shirt rouge, couché, immobile au fond du plateau, alors qu’en avant-scène on danse le sirtaki, comment ne pas songer au petit Elan, symbole d’une tragédie qui acte notre impuissance citoyenne et une absence délibérée de volonté politique à résoudre ce qui ne devrait pas être un problème ? Voilà sans doute le hors-champs évoqué par Christian Rizzo.

C’est une chorégraphie faites d’élans irréguliers, de vagues qui s’élancent et se brisent. De corps ballottés, semblant flotter avant de s’échouer et que l’on évacue. De corps parfois agglutinés, accrochés les uns aux autres, se refusant à sombrer. Des corps en perdition, épuisés s’abandonnant aux gouffres. Ce qui semblait être au départ un dialogue apaisé avec la mer devient un rapport de force, une confrontation devant des éléments qui semblent se déchaîner, qu’accentue davantage l’intensité sonore, musique techno aux beats graves et assourdissants. Et il y a ceux qui renoncent à traverser l’horizon, regards tendus vers l’inconnu, contemplatifs. Des regards obstinément tournés au lointain, horizon que l’on salue d’une main comme un espoir ou un renoncement. Ces mêmes regards attentifs qui s’échangent et circulent continûment dans le groupe et semble le souder dans un destin commun. Qui font également de chaque interprète, quand il ne danse pas, un témoin, spectateur attentif aux propositions exécutées sur le plateau qu’il ne tarde pas à rejoindre. Solo, duo, trio, ensemble, c’est une énergie continue allant crescendo dans une répétition de mouvements, entre tension et lâcher-prise, entre marche et course et une occupation totale du plateau découpé, balayé par la lumière telle un scanner. La fin des plus étrange qui voit surgir, quoi ? on ne comprend pas très bien, un danseur en tenue folklorique agrémentée d’un maillot de foot agitant une oriflamme doré, ajoute à la confusion de voir sur le mur au lointain s’inscrire cette inscription « je te vois ». Là, pour le coup on ne voit plus très bien et se brouille tout soudain la compréhension de l’ensemble qui jusque lors captivait. Reste au final que personnellement en chaque danseur j’ai continué à voir un noyé.

 

© Marc Domage

 

 

Miramar, chorégraphie, scénographie, costumes Christian Rezzo

Avec Youness Aboulakoul, Nefeli Asteriou, Lauren Bolze, Lee Davern, Fanny Didelot, Nathan Freyermuth, Pep Guarrigues, Harris Gkekas, Raoul Riva, Vania Vanneau, Anna Vanneau

Création lumière : Cathy Olive

Création sonore : Gérôme Nox

Assistante artistique : Sophie Laly

Direction technique : Thierry Cabrera

 

Du 11 au 14 avril 2022

A 21 h

 

 

Le Cent-Quatre

5 rue Curial

75019 Paris

Réservation 01 53 35 50 00

www.104.fr

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed