ƒƒ Article de Victoria Fourel
La famille de Cyprienne est sur le point de tout perdre. Les meubles sont saisis, leur vie s’écroule. Seule solution pour sortir du gouffre, qu’elle épouse Rousseline, infâme financier retors. Le délinquant en cavale Glapieu, témoin de la situation, prend sur lui d’empêcher que la famille ne tombe sous la coupe de Rousseline.
C’est une comédie de Victor Hugo, engagée, franche, et aussi méconnue. On se demande d’ailleurs comment elle a pu échapper si longtemps à notre radar. Le texte vaut pour son actualité, sa fraîcheur incroyable. Anticapitaliste et moderne, elle transpire le refus de se laisser faire par des gouvernants clownesques, par des grands messieurs ridicules. Hugo dénonce les faux-semblants des financiers qui gouvernent par en-dessous, sans qu’on les voie, qui travaillent à leur fortune avant celle des administrés.
C’est d’ailleurs sur le côté actuel de la chose que s’attarde la mise en scène de Kheireddine Lardjam. Elle déborde d’idées et de rythmes, la projetant dans notre époque, tout en conservant le côté foutraque de l’intrigue d’époque. Ça fuse, les couleurs et les mouvements sont rapides et fluides, et certaines scènes sont le fruit d’excellentes idées de mise en scène. Glapieu lui aussi est un pont entre deux époques, avec le langage d’Hugo mais l’aisance des filous d’aujourd’hui.
Tout va vite, donc, et sûrement un peu trop vite. On a un peu de mal à suivre l’intrigue et les rebondissements, ce qui montre assez rapidement que l’important dans cette adaptation, ce ne sont pas les détails de la situation, mais bien les enjeux entre les personnages, la place que chacun occupe, les petites gens écrasées par le profit permanent des grands. C’est un vrai choix, mais l’on se perd rapidement, ce qui est évidemment dommage.
Souvent, l’excitation ambiante d’une mise en scène, sa fougue, inquiète et risque de s’essouffler. Ici, elle surprend mais est maîtrisée par les comédiens, chaque personnage étant extrêmement dessiné, permettant de ne pas virer au numéro excessif. On oscille entre idées bricolées toutes simples et virtuosités techniques. Même si tout ne parvient pas comme on l’aurait aimé, sur le fond notamment, on passe un excellent moment, très original et sans approximation. Mille francs de récompense à qui aurait fait mieux !
Mille Francs de récompense, texte Victor Hugo
Mise en scène Kheireddine Ladjam
Collaboration artistique Cédric Veschambre
Scénographie et collaboration artistique Estelle Gautier
Lumières Victor Arancio
Son Pascal Brenot
Costumes Florence Jeunet
Avec Maxime Atmani, Azedine Benamara, Romaric Bourgeois, Linda Chaïb, Samuel Churin, Etienne Durot, Aïda Amri, Cédric Veschambre
Du 22 mars au 8 avril 2018, du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h
Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Réservation 01 43 74 72 74
http://www.theatredelaquarium.net
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