© Frédéric Stéphan
ƒƒƒ article de Léa Suzanne
Dans le coin des dames, l’émotion est à son comble, et les questions fusent : « Mais la mère supérieure, ce ne serait pas… un homme ? Non, parce qu’ils ont quand même tous des carrures, euh… ». La réponse est très simple : la mère supérieure est campée par Miss Knife, que le corps d’Olivier Py habite souvent. Quant aux carrures, précisons quand même que la plupart des chanteurs-acteurs-danseurs-circassiens en scène révèlent des corps musclés, suants, tatoués, à la précision de gymnaste et la grâce de funambules. Mise en scène par Pierre-André Weitz, cette Mam’zelle Nitouche a fait un stage chez Madame Arthur. C’est Hervé, Pierre et Gilles tout à la fois, et plus Gay Paris que Gai Paris. Des slips sous les soutanes, des strings sous les cornettes. Culottes et calottes, même combat.
L’ « opérette-vaudeville » d’Hervé a une origine autobiographique. Organiste à Saint-Eustache au début de sa carrière, Hervé écrivait des pièces plus légères la nuit, dilemme entre le corps et l’esprit que Raimu, puis Fernandel, ont incarné au cinéma. Ici, Célestin/Floridor est un être elfique qui bondit sur scène, jonglant entre son couvent et le théâtre du coin. L’actrice capricieuse, Corinne, refuse de jouer le second acte de sa pièce. Qu’importe ! Place à la couventine, qui a appris la partition. Triomphe de l’art ! Il ne reste qu’à finir sur un mariage, avec un beau et jeune militaire.
Le jeu sur le féminin/masculin, déjà présent chez Hervé par la tradition grivoise, est ici exacerbé par une esthétique métakitsch. Entre bordel et confessionnal, le plateau tournant tourne, tourne, et on ne sait à quel saint se vouer. À l’acte III, lorsqu’il menace de ne jamais s’arrêter, on aimerait embarquer sur ce manège et n’en jamais descendre. Pierre-André Weitz, en régisseur-clown, Olivier Py, Lara Neumann, et le reste de la troupe, prennent un plaisir évident à chanter ces amours de caserne et de bonnes sœurs. Si vous croisez dans le métro, vers Concorde, des gens au sourire un peu niais, fredonnant « c’est parce qu’il était en plomb », vous saurez désormais d’où ils viennent.
© Frédéric Stéphan
Mam’zelle Nitouche d’Hervé, mise en scène Pierre-André Weitz
Musique : Hervé
Livret : Henri Meilhac et Albert Millaud
Assistante à la mise en scène : Victoria Duhamel
Scénographie, costume et maquillage : Pierre-André Weitz, assisté de Pierre Lebon et Mathieu Crescence
Lumières : Bertrand Killy
Chorégraphie : Iris Florentiny, assistée de Yacnoy Abreu Alfonso
Chef de chant : Antoni Sykopoulos
Régie plateau : Ingrid Chevalier
Habillage : Nathalie Bègue
Avec : Lara Neumann, Olivier Py, Damien Bigourdan, Miss Knife, Samy Camps, Eddie Chignara, Sandrine Sutter, Antoine Philippot, Clémentine Bourgoin, Ivanka Moizan, Pierre Lebon, David Ghilardi, Piero
Direction musicale : Christophe Grapperon
Orchestre : Les Frivolités Parisiennes
Du 7 juin au 15 juin 2019
En soirée à 20h
Le dimanche 9 juin à 15h
Durée 2 h 20 avec entracte
Théâtre Marigny
carré Marigny
75008 Paris
Réservation au 01 76 49 47 12
www.theatremarigny.fr
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